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Il s'agit de l'unique séance des Noms du père. Cette transcription a été rédigée à partir de notes manuscrites prises par plusieurs auditeurs ayant assisté à ce séminaire. Point pivot dans l'oeuvre de Lacan : le séminaire interrompu en tant que tel, - il va proposer le reste de l'année 63-64 "Les fondements de la psychanalyse" à l'E.N.S. - suite aux relations conflictuelles entre la Société psychanalytique de Paris et la Société Française de psychanalyse, et à l'interdiction votée la nuit précédente de poursuivre ce séminaire à Sainte-Anne. Texte non relu par Lacan, il s'agit juste de notes photocopiées qui nous ont été transmises telles. Un certain nombre de mots manquent. Les remarques et la lecture de quelques-un(e)s dans le groupe Lutecium ont permis de proposer cette transcription, sous la forme qui suit, sans garantie par rapport à ce qui fut énoncé par Lacan le 20 nov. 1963. | |
Je n'ai pas
l'intention aujourd'hui de me livrer à aucun jeu qui ressemble
à un coup de théâtre, je n'attendrai pas la fin de
ce séminaire pour vous dire que ce séminaire est le dernier
que je ferai. Aussi bien pour certains, initiés aux choses qui
se passent, ceci ne sera-t-il pas une surprise, pour les autres, c'est
par égard pour leur présence que je ferai cette déclaration.
Jusqu'à la nuit dernière très tard... une certaine
nouvelle m'a été annoncée... J'ai pu croire que je
vous donnerai cette année ce que je vous donnais depuis dix ans,
il était préparé, je ne ferai rien de mieux que de
vous donner le premier : j'ai annoncé que je vous parlerai cette
année des Noms du Père. Vous référer à ces séminaires pour voir dans
quelle direction je voulais poursuivre mon discours ... Il y a là,
d'une façon déjà très avancée dans
sa structuration, quelque chose qui eût pu me permettre de faire
le pas suivant. Ce séminaire s'enchaîne à celui sur
l'angoisse. Avant d'aller plus loin, ce qu'a apporté mon séminaire
sur l'angoisse... On a pu donner tout leur poids à des formules
telles que l'angoisse est un affect du sujet. L'ordonner en fonction aussi
de la structure, celle du sujet défini comme le sujet qui parle,
qui se fonde, qui se détermine dans un effet du signifiant. Où
et à quel temps, référence au niveau de la synchronie,
à quel temps ce sujet est-il affecté de l'angoisse ?
voir le schéma cerné au tableau : Ce dont, quel que soit ce temps, ce temps sur lequel nous allons nous étendre, ce dont le sujet est dans l'angoisse affecté, c'est vous ai-je dit, par le désir de l'Autre. Il en est affecté d'une façon que nous devons dire immédiate, non dialectisable et c'est en ceci que l'angoisse est, dans l'affect du sujet, ce qui ne trompe pas. Je vous ai dit de l'angoisse dont vous voyez ainsi se dessiner dans ce qui ne trompe pas à quel niveau plus radical - que tout ce qui a été dérivé dans le discours de Freud - s'inscrit sa fonction de signal. Pas moyen de situer cette fonction, sinon à ce niveau. A le poser ainsi se confirme et reste valable comme Freud lui-même l'a ressenti assez pour le maintenir, que toutes les premières formulations qu'il a données de l'angoisse, transformation directe de la libido, etc. restent encore compréhensibles. Que n'ai-je dit d'autre part concernant l'angoisse, m'opposant à la tradition psychologisante qui distingue l'angoisse de la peur de par ses corrélats, spécialement corrélat de la réalité, je change ici les choses, disant de l'angoisse : elle n'est pas sans objet. Cet objet a dont j'ai dessiné aussi bien que j'ai pu les formes fondamentales : ce qui est chu du sujet dans l'angoisse, cet objet a, qui est la (? cause) que je désigne comme la cause du désir. A l'angoisse, à l'angoisse qui ne trompe pas se substitue pour le sujet ce qui doit s'opérer au moyen de cet objet a, il peut s'opérer plus d'une chose ... ceci est suspendu, - ce qui était réservé pour l'avenir - et que vous ne perdrez pas tout à fait, car vous le trouverez dans un livre à paraître dans six mois, c'est à ceci qu'est suspendue la fonction de l'acte et encore quelque chose d'autre. L'année dernière et pour l'instant ce à quoi je me suis tenu : la fonction de ce petit a dans le fantasme, dans la fonction qu'il prend d'être le soutien du désir, du désir en tant que ce qu'il est donné au sujet d'atteindre de plus intensif dans sa réalisation de sujet au niveau de la conscience... c'est par cette chaîne que s'affirme une fois de plus sa dépendance au désir de l'Autre, du désir. Ai-je besoin, ne suis-je pas trop tenté
de rappeler pour qu'il n'y ait pas trop de confusion, le caractère
radical, tout à fait restructurant, qu'ont ces conceptions tant
du sujet que de l'objet. Assurément quelque chose y reste fondé de cette correspondance de l'intelligence à l'intelligible et ce n'est pas sans fondement qu'elle peut nous montrer que l'intelligence humaine n'est pas autre dans son fondement que l'intelligence animale ; - cf. les théories de l'évolution, les progrès de l'intelligence, son adaptation -. Ceci nous permet une théorie partant
de cet intelligible supposé dans les données des faits,
de déduire que ce procès se reproduit chez chaque individu,
hypothèse même pas aperçue de la pensée positiviste,
c'est que ces faits soient intelligibles. L'intelligence, dans cette
perspective, n'est rien de plus qu'un affect parmi d'autres, un affect
fondé sur un (?mot manquant).
L'essence de la découverte de Freud est à ceci, dans une opposition radicale. Les premiers pas de mon enseignement ont cheminé dans les pas de la dialectique hégélienne ; étape nécessaire pour faire brèche dans ce monde dit de la positivité. La dialectique hégélienne se ramène à des racines logiques, déficit intrinsèque de la logique de la prédication : à savoir que l'universel ne se fonde que de la négation ; que le particulier seul à y trouver l'existence y apparaît comme contingent. Toute la dialectique hégélienne faite pour combler cette faille y montre - dans une prestigieuse transmutation - comment l'universel, par la voie de la scansion : thèse, antithèse, synthèse, peut arriver à se particulariser. Mais quels qu'en soient les effets de prestige de la dialectique hégélienne, que par Marx elle soit entrée dans le monde, achevant ce qui de Hegel était la signification, par la subversion d'un ordre politique et social fondé sur l'ecclésial, l'Eglise quelle que soit sa nécessité, la dialectique hégélienne est fausse et contredite tant par l'observation des sciences de la nature que par le progrès historique de la science fondamentale, à savoir des mathématiques. C'est ici que l'angoisse est le signe comme l'a vu tout aussitôt un contemporain du développement du système de Hegel, Kierkegaard, l'angoisse est pour nous le témoin d'une béance essentielle qui porte le témoignage que la doctrine freudienne est celle qui en donne l'éclaircissement. Cette structure du rapport de l'angoisse au désir, cette double béance du sujet à l'objet chu de lui où au-delà de l'angoisse il doit trouver son instrument, la fonction initiale de cet objet perdu sur lequel insiste Freud, là est la faille qui ne nous permet pas de traiter du désir dans l'immanence logicienne. De la seule violence comme dimension à forcer les impasses de la logique, là Freud nous ramène au coeur de ce quelque chose sur quoi fonder les bases de ce qui était pour lui l'illusion, qu'il appelait selon le mode de son temps l'alibi, la Religion, que j'appelle quant à moi l'Eglise. C'est sur ce champ même par lequel l'Eglise tient intacte et dans tout l'éclat que vous lui voyez, contre la révolution hégélienne, c'est là que Freud s'avance au fondement même de la tradition ecclésiale, qu'il nous permet de tracer le clivage d'un chemin qui aille au-delà, infiniment plus loin, structuralement plus loin que la borne qu'il a posée sous la forme de mythe du meurtre du père.
CARAVAGE. "Le Sacrifice d' Isaac", Musée des Offices, Florence.
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1bis. Il s'agirait de Sir Allan H. Gardiner (et non comme l'indiquent les notes utilisées de Sir Spacy). Suggestion de Diana Estrin, groupe Lutecium. 5. [eimi to on] : je suis l'être 11.
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