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Voilà vous m'avez vu
la dernière fois un petit peu dépassé par votre nombre,
comme il est... ça me laisse l'espoir qu'il se réduise,
alors je continue.
L'inconvénient de ce
nombre, c'est que, j'y pensais tout à l'heure, je suis... je suis
amené, enfin, à chaque fois, à… à pencher,
enfin, vers ceci que si je vous parle, ça ne peut être que
pour la première fois. C'est-à-dire que c'est une notion
d'ordre. Cette notion d'ordre évidemment me gêne et c'est
d'où j'essaie de sortir en vous montrant autre chose, c'est à
savoir qu'il y a la nodalité.
Pour le dire, n'est-ce pas,
la question est de savoir ce que le savoir inconscient, là, forcément,
je vois bien que... je vois bien que j'enchaîne, à savoir
que, le savoir inconscient, je le pose. Je le pose comme ce qui travaille.
Et ce qui travaille peut travailler, il n'y a de prise quelconque du travail,
il n'y a de prise quelconque du travail que dans un discours. Il s'agit
de fonder ce qui travaille dans le discours analytique.
S'il n'y avait pas de lien social, et de lien social en tant qu'il est
fondé par un discours, le travail serait insaisissable. Disons,
avec I'ironie que ça comporte, que dans la nature, ça ne
travaille pas. Alors, il semble bien, enfin, que, c'est d'ailleurs ce
qui la fonde, la nature, l'idée que nous en avons, c'est le lieu,
c'est le lieu où ça ne travaille pas.
Le savoir, le savoir en tant qu'inconscient, en tant qu'en nous "ça
travaille", semble donc impliquer une supposition. C'est une supposition,
me direz-vous, pour laquelle nous n'avons pas besoin de nous forcer, puisqu'en
somme, c'est nous-même le sujet, I'upokeimenon, tout ça,
ça veut dire exactement la même chose, à savoir qu'on
"suppose" que quelque chose existe, qui s'appelle, que j'ai désigné
comme l'être parlant, ce qui est un pléonasme, parce qu'il
n'y a d'être que de parler, s'il n'y avait pas le verbe être,
il n'y aurait pas d'être du tout.
Néanmoins, néanmoins, nous... nous savons bien que le mot
d'exister a pris un certain poids. Un poids en particulier par
le quanteur, le quanteur de l'existence. Le quanteur de l'existence, en
réalité, a tout à fait déplacé le sens
de ce mot ex-sister, et si même je peux l'écrire comme je
l'ai écrit ex, tiret, sister, ex-sister c'est justement
là en quoi... en quoi se... en quoi se marque l'originalité
de ce quanteur.
Seulement, voilà. L'originalité ne fait que déplacer
l'ordre, à savoir que ce qui ex-siste, c'est cela qui serait originaire.
C'est à partir de l'ex-sistence que nous nous trouvons ré-interroger
ce qu'il en est, ce qu'il en est de la supposition.
Simple déplacement, en somme. Et ce que j'essaie, ce que j'essaie
de, ce que j'essaie de faire cette année, hein, avec mes non-dupes,
c'est de voir de quoi en somme il faut être dupe pour que tout ça
tienne, que ça tienne dans une consistance.
Et c'est en quoi j'introduis ce ternaire ou plus exactement je m'aperçois
qu'à partir, à être parti de ce ternaire, du Symbolique,
de l'Imaginaire et du Réel, je pose une question, ou plus exactement,
comme pour toute question, pour toute question c'est de la réponse
qu'elle est partie... de la réponse qui, à maintenir, à
maintenir comme distinct, le Réel, nous fait nous poser la question
: où se situe ce savoir, ce savoir inconscient que... dont nous
sommes travaillés dans le discours analytique. Il est bien certain
que c'est le discours qui nous fait coller, le discours analytique qui
nous fait coller à ce savoir d'une façon qui n'a pas de
précédent, n'a pas de précédent dans l'Histoire.
Pourquoi après tout
ne pourrions-nous pas considérer ce discours lui-même comme
contingent puisqu'il part d'un dire, d'un dire qui fait événement,
celui que j'essaie de... que j'essaie de prolonger devant vous, et la
question de la contingence de ce dire, c'est bien autour de celle-là
que nous tournons. Si ce dire n'est que contingent, et aussi bien c'est
de cela qu'il faut rendre compte, où se situe le Réel ?
Est-ce que le Réel n'est jamais que supposé ?
Dans ce noeud, ce noeud que
je profère, dans ce noeud, ce noeud fait du Symbolique et de l'Imaginaire
en tant que c'est seulement quelque chose qui avec, avec… fait trois,
qui les noue, c'est du Réel qu'il s'agit.
Qu'ils soient trois, c'est à cela que tient le Réel.
Pourquoi le Réel est-il trois ? C'est une question que je fonde,
que je justifie de ceci : qu'il n'y a pas de rapport sexuel. En d'autres
termes, que je le précise, que je le précise de ceci, qui
puisse s'écrire, moyennant quoi, moyennant quoi ce qui s'écrit,
c'est que, par exemple, il n'existe pas de "f", de "f" tel qu'entre x
et y qui, ici, signifient le fondement de tels des êtres parlants,
à se choisir comme de la partie mâle ou femelle, ceci, cette
fonction qui ferait le rapport, cette fonction de l'homme par rapport
à la femme, cette fonction de la femme par rapport à l'homme,
il n'en existe pas qui puisse s'écrire.
Il n'existe pas une fonction f
telle que f (x,y)
C'est ça la chose,
la chose que je produis devant vous, c'est ce que, quelque part, car je
me répète, comme tout le monde, il n'y a que vous pour ne
pas vous en apercevoir, c'est ça que j'ai déjà énoncé
sous le nom de Chose freudienne, ça y est en long et en
large, et bien sûr, c'est tout à fait passé inaperçu,
pour une simple raison, c'est que nous en restons dans cet Imaginaire.
Dans cet Imaginaire qui est justement ce que met en question la moindre
expérience du discours analytique, c'est qu'il n'y a rien de plus
flou que l'appartenance, que l'appartenance à un de ces deux côtés
: celui que je désigne de x et l'autre de y, justement en ceci
que du même coup il faut que je marque qu'il n'y a nulle fonction
qui les relie.
Alors, il s'agit de savoir
comment, tout de même, ça fonctionne, à savoir que,
tout de même, ça baise là-dedans.
En énonçant
cela, ceci, il faut quand même que je décolle de quelque
chose qui est une... une supposition, une supposition que, il y ait un
sujet, mâle ou femelle.
C'est une supposition que l'expérience rend très évidemment
intenable, et qui implique que ce que j'avance, que ce que j'avance en
énoncé par mon énonciation, par l'énonciation
dont je ne suis le sujet que pour autant que dans le discours analytique
je travaille moi-même, qu'il faut que je ne mette pas de sujet sous
cet x et sous cet y. Il faut donc que l'énoncé, et rien
que déjà écrire ceci au tableau, il faut donc que
mon énoncé n'implique pas de sujet.
S'il y a quelque chose, s'il y a quelque chose qui se trouve là
écrit, c'est que de sujet, il n'est question que dans la fonction,
et justement que ce que j'écris, c'est que sous cette fonction,
justement de ce qu'elle soit niée, il n'y a nulle existence.
Le "il n'existe pas" veut dire ça, il n'y a pas de fonction.
Ce dont il s'agit, ce dont il s'agit, c'est de démontrer, c'est
de démontrer que cette fonction, si elle n'a pas d'existence, ce
n'est pas seulement affaire contingente, c'est affaire d'impossible.
C'est affaire d'impossible et pour le démontrer, ce n'est pas une
petite affaire.
Ce n'est pas une petite affaire simplement pour ceci : c'est que à
simplement l'écrire, à simplement l'énoncer, même
seulement dans l'écriture, la chose ne tient que jusqu'à
preuve du contraire, à savoir jusqu'au moment, jusqu'au moment
où quelque chose de contingent s'inscrive en faux contre ce dire,
et par bonheur, si je puis dire, bon heur, les deux mots séparés,
s'écrive f, x, virgule y... il y a une fonction qui noue le x et
le y, et que ça a cessé de ne pas s'écrire.
f (x,y)
Pour que ça ait cessé
de ne pas s'écrire, il faudrait que ça soit possible, et
jusqu'à un certain point ça le reste, puisque ce que j'avance,
c'est que ça a cessé de s'écrire. Pourquoi ça
ne recommencerait-il pas ?
Non seulement il est possible, il est possible qu'on écrive F...
F, x et y, mais il est clair qu'on ne s'en est pas privés.
f (x,y)
Pour démontrer donc
l'impossible, il faut prendre fondement ailleurs.
Ailleurs que dans ces écritures précaires puisqu'après
tout, elles ont cessé, et qu'à partir du moment où
elles ont cessé, on pourrait croire que ça peut reprendre.
C'est bien le rapport du possible et du contingent.
A prendre appui sur le noeud
pour que quelque chose de l'impossible se démontre, qu'est-ce que
je fais ?
Je prends appui peut-être, la question mérite qu'on la soulève,
sur une topologie.
Puisque pour ce qui est de l'ordre, eh bien, on peut dire que c'est bien
ce qui, jusqu'à présent, n'a pas manqué, à
savoir que c'est à mettre de l'ordre qu'on supporte tout ce qui
a pu s'avancer du rapport dit sexuel. Il est vrai que cet ordre, on s'y
embrouillait un tant soit peu les pattes, et qu'il est certain que ce
n'est pas le même, ce n'est pas le même ordre, en tout cas,
qu'instaure, qu'instaure ce que le discours analytique avance, ou paraît
avancer de ce qui concerne le rapport sexuel.
L'ordre 1,2,3, ben, il y en a un qui vient le premier, et ce n'est pas
par hasard, on ne sait d'ailleurs pas lequel vient le premier, ce n'est
pas par hasard que ce soit le 1, puisque le second le seconde, comme on
dit, et que le troisième résulte de leur addition, simplement.
Ça fait une suite qu'on a pu qualifier de naturelle.
Ce qui laisse à rêver. Ce qui laisse à rêver
d'autant plus que la dernière fois je vous ai fait la remarque
qu'à les écrire à la suite, le privilège de
ces trois premiers, c'est qu'il suffit de les prendre à revers
pour que tous les ordres soient possibles.
Il suffit en effet qu'il y ait 1,2,3, ou 1,3,2, c'est ça que j'appelle
le... les prendre à revers, pour que les six autres façons
d'arranger le 1,2,3, soient possibles.
L'idée de successeur, n'est-ce pas, et que, de successeur, il n'y
en ait qu'un, qu'un dans la suite naturelle des nombres, c'est une idée
qui ne s'est dégagée que tard, ce qui est assez curieux,
parce qu'il semblait bien que c'était là la chose la plus
tangible, la plus réelle qui soit, concernant la suite naturelle.
Pourquoi n'y aurait-il pas, de successeurs, une multitude ?
Ca ne va pas de soi. Nous avons une foule d'exemples, celle de l'arbre
notamment, de l'arbre que nous rencontrons partout, vers notre descendance
comme vers notre ascendance, pourquoi l'idée de successeur serait-elle
inhérente à une suite privilégiée de successeurs
se fondant sur ceci : qu'il n'y en a qu'un ?
Qu'il y en ait trois dans tel cas, tel cas privilégié,
a certainement rapport à ce qu'il y ait de l'Un.
"Yad'lun", c'est comme ça que je me suis exprimé. Mais il
est tout à fait imaginable que le trois ne soit pas pris dans l'ordre.
Ça, c'est pas nouveau, hein le fameux triangle dont les Grecs ont
tiré parti, le parti que vous savez, repose là-dessus, et
avec, et avec lui, toute la géométrie qu'ils en ont extraite,
et par quoi longtemps l'idée claire a été première
au regard du distinct. L'idée claire et distincte, qu'on dit !
Moyennant quoi c'est more geometrico, qu'on a démontré
pendant des siècles et que ça a été un idéal
et que ça le reste encore. Le lien de la mesure avec le phénomène
de l'ombre, je souligne phénomène, c'est-à-dire avec
l'Imaginaire, en tant qu'il suppose la lumière, a instauré
cet ordre, qu'on appelle "harmonique", a instauré, fondé,
tout ce qu'il en est de la proportion, d'une proportion qui était
le seul fondement de la mesure, et instauré un ordre, un ordre
qui a servi à construire une Physique.
C'est de là qu'est partie cette idée de la supposition.
Parce que, à fonder les choses sur cet Imaginaire, il fallait qu'il
y ait derrière autre chose : une substance, c'est la même
chose, c'est le même mot que supposition, sujet et tout ce qui s'ensuit.
Toute cette affaire était par trop, si je puis dire, par trop phénoménale.
Quand je témoigne, quand je dis que le noeud, c'est ça qui
me cogite, et que mon discours, pour autant qu'il est le discours analytique,
que mon discours en témoigne, il se trouve que, parce que j'ai
fait quelques pas de plus que vous, il est borroméen, en l'occasion,
ce noeud, mais il pourrait être autre. Même s'il était
autre, ma question, ma question de savoir, savoir en quoi ça a
rapport avec ce qui distingue la topologie, avec ce qui distingue la topologie
de l'espace fondé par les Grecs, l'espace en tant qu'il a donné
une première matière à décoller de la supposition,
qu'est-ce que suppose la topologie ?
La topologie ne suppose, ne
suppose, dans ce qu'il en est de l'espace, qu'une consistance, vous le
savez ou vous ne le savez pas, en tous les cas, je n'peux pas vous faire
un cours de topologie, mais rien n'exclut que vous vous reportiez au texte
mathématique où s'est élaborée cette notion,
à partir de l'abandon de la mesure comme telle, à savoir
quelle qu'en soit, de cette mesure la relativité, puisqu'aussi
bien elle ne se produit que d'homothétie, pour savoir l'heure et
la hauteur du soleil, nous n'avons rien que le rapport de l'ombre avec
le piquet qui la projette, que c'est sur un triangle que tout repose concernant
la mesure, la topologie, elle, élabore un espace qui ne part que
de ceci : de la définition du voisinage, de la proximité,
ça a le même sens, c'est une définition du proche,
qui part de... d'un axiome, c'est à savoir que tout ce qui fait
partie d'un espace topologique, s'il est à mettre dans un voisinage,
implique qu'il y a quelque chose d'autre qui soit dans le même voisinage.
La notion pure de voisinage implique donc, déjà, triplicité,
et ne se fonde, ne se fonde sur rien qui unisse chacun des éléments
triples, si ce n'est d'appartenir au même voisinage.
C'est un espace qui ne se supporte que de la continuité qui s'en
déduit, car il n'y a pas, dans le topologique, d'autres rapports
dits continus que fondés sur le voisinage et qui du même
coup impliquent ce que j'appellerai la malléabilité. C'est
ce qu'ils appellent, eux, les mathématiciens, la déformation
continue.
Vous voyez que la référence
au continu est dans le mot, et joint, accolé, au mot déformation,
lequel pour être plus correct s'énonce : transformation continue.
Ce sont des images aussi. Mais il faut le dire, elles se saisissent moins
bien. Le fait que je parle de saisir, Beqriff, begrifflich,
implique une référence à ce qui se saisit bien, c'est-à-dire
le solide. Le souple se saisit moins bien, à prendre dans la main.
L'idée, l'idée qui fonde la topologie mathématiquement
définie, est d'aborder ce qu'il en est de ce qu'elle supporte,
c'est la topologie qui, là, supporte, ce n'est pas un sujet qui
lui est supposé, hein.
Ce que la topologie supporte, l'idée, c'est de l'aborder sans image,
de ne leur supposer, de ne leur supposer, à ces lettres, telles
qu'elles fondent la topologie, [... petite coupure son : de ne leur supposer
que le Réel.]
Le Réel en tant qu'il n'ajoute... est-ce que vous vous apercevez
que ce terme est encore de trop, puisqu'il évoque l'addition ?
qu'il n'ajoute, à ce que nous savons distinguer comme l'Imaginaire,
cette souplesse liée au corps, ou comme Symbolique le fait de dénommer
le voisinage, la continuité, qu'il n'ajoute que quelque chose,
le Réel, et non pas de ce qu'il soit troisième, mais de
ça, qu'à eux tous, ils fassent trois. Et que c'est tout
ce qu'ils ont de RéeI, rien de plus. Je veux dire : tout un chacun.
C'est tout ce qu'ils ont de Réel. Ça a l'air peu, mais ce
n'est pas rien.
Ce n'est pas rien puisque,
on l'a si bien senti de toujours, que c'est justement là-dessus
que, que le Réel était supposé. Il s'agit de le débusquer
de cette position de supposition qui en fin de compte le subordonne, le
subordonne à ce qu'on imagine ou à ce qu'on symbolise.
Tout ce qu'ils ont de Réel, c'est que ça fasse trois. Là,
trois n'est pas une supposition grâce au fait que nous avons, grâce
à la théorie des ensembles, élaboré le nombre
cardinal comme tel.
Ce qu'il faut voir, ce qu'il faut que vous supportiez, c'est ceci : c'est
de mettre en question, de mettre en question que ce n'est pas un modèle,
ce qui serait de l'ordre de l'Imaginaire. Ce n'est pas un modèle
parce que, parce que par rapport à ce trois, vous êtes non
pas son sujet, l'imaginant ou le symbolisant, vous êtes, vous êtes
coincés : vous n'êtes que... en tant que sujets, vous n'êtes
que les patients de cette triplicité.
Vous êtes les patients, d'abord, parce que, parce que c'est déjà
dans la langue. Or il n'y a pas de langue où le trois ne s'énonce.
C'est dans la langue et c'est aussi dans le fonctionnement qui s'appelle
le langage.
C'est-à-dire la structure logique telle que, tout naïvement,
enfin, le premier qui ait commencé là-dedans, par exemple
le premier à notre connaissance, bien sûr, le premier à
notre connaissance, à savoir Aristote, enfin, celui dont on a justement
des écrits, il a bien fallu qu'il manipule la chose avec des petites
lettres, et ça ne peut pas se manipuler sans qu'il y en ait trois.
A part ceci, bien sûr, à part ceci bien sûr qu'il y
restait quelque chose de la supposition du Réel, et que ce Réel,
il n'a pas cru pouvoir le supporter d'autre chose que le particulier,
le particulier dont il s'imagine que c'est l'individu, aIors que justement,
en le situant dans la logique comme particulier, il montre bien que de
l'individu, il ne se faisait que... une notion tout imaginaire, le particulier
est une fonction logique, et que... il lui ait donné pour support
le corps individuel est très précisément, enfin,
le signe qu'il lui fallait une supposition.
Un dire qui ne suppose rien, sinon que triple est le Réel, j'ai
dit triple, c'est-à-dire trois, non pas troisième, c'est
en quoi consiste le dire que je me trouve contraint d'avancer par la question
du non-rapport, du non-rapport en tant qu'il touche spécifiquement
à ce qu'il en est de la subjectivation du sexuel. Mon dire consiste
en ce Réel, en ce Réel qui est ce dont le trois insiste,
insiste au point de s'être marqué dans la langue.
Il ne s'agit pas là d'une pensée, puisqu'en tant que pensée,
elle est, si je puis dire, encore vierge.
Et aussi bien la pensée, au regard de ce qui se supporte
de cette avancée du trois, du trois comme nœud, et comme rien d'autre,
la pensée n'est que ce que j'ai appelé tout à l'heure
ce qui se cogite, c'est-à-dire un rêve noir, celui dans lequel,
communément, vous habitez. Car s'il y a quelque chose à
quoi nous initie l'expérience analytique, c'est que ce qu'il y
a de plus près du vécu, du vécu comme tel, c'est
le cauchemar. Il n'y a rien de plus barrant de la pensée, même
de la pensée qui se veut claire et distincte : apprenez à
lire Descartes comme un cauchemar, ça vous fera faire un petit
progrès. Comment même pouvez-vous ne pas apercevoir que ce
type qui se dit "Je pense donc je suis", c'est un mauvais rêve ?
L'événement, lui ? l'événement ne se produit
que dans l'ordre du Symbolique. Il n'y a d'événement que
de dire.
Je pense que, au siècle où vous vivez, vous devez vous apercevoir,
quand même, de ça tous les jours. Cette pluie d'informations,
si je puis dire, au milieu de... desquelles on a pu s'étonner que
vous subsistiez encore, que vous gardiez votre jugeote, à savoir
que vous ne vous en fassiez, finalement, pas trop, hein, de ce que le
journal vous annonce tous les matins, ben, Dieu merci, ça vous
passe, comme on dit, comme de l'eau sur les plumes d'un canard... Sans
ça, où iriez-vous ?
Il faut tout de même bien qu'il y ait quelque chose de fallacieux
qui... dans lequel, hélas, le malentendu de mon dire, je veux dire
celui-même que je vous tiens ici, pour autant que j'en suis moi-même
la victime, auquel il faut donc qu'un certain dire, le dire sur le dit,
ait contribué, pour que vous puissiez croire que dans ce qui fait
tenir votre corps, c'est une circulation d'informations parties de je
ne sais quels endroits, de prime abord de l'ADN, qu'on nous dit, ou du
DN je ne sais pas quoi, que c'est de ça que vous vous supportiez,
que tout ne soit, en somme, que... une information dont heureusement on
nous avertit enfin, que cette information ne tient qu'à violer
un des fondements mêmes de ce qui par ailleurs s'édifie comme
énergétique, est-ce que tout cela n'est pas aussi de l'ordre
de la cogitation ? Est-ce que, dans d'autres termes, nous sommes obligés
d'en tenir compte quand ce à quoi, dans le politique, ce à
quoi nous avons affaire, c'est à un type d'informations dont le
sens n'a d'autre portée que l'impératif, à savoir
le signifiant Un. C'est pour nous commander, autrement dit, pour que le
bout du nez suive, que toute information, à notre époque,
est déversée comme telle.
Dans donc ce que je vous énonce
d'un certain dire, l'important n'est rien que les conséquences
qu'il peut avoir. Encore faut-il pour qu'il ait ces conséquences,
que je m'en donne la peine.
Ce dire n'est véritable, ici, je le profère pour le cas
plus que probable où vous ne vous en seriez pas aperçus
- il n'est véritable qu'en tant qu'il fait limite à la portée,
à la portée de ce qui nous intéresse au premier chef,
nous autres, dans le discours analytique de ce qu'il fait limite à
la portée de la vérité.
Il y avait, autrefois comme ça un... un garçon de bureau
qui poussait des cris après chacun de mes séminaires, cris
qui se résumaient dans "Pourquoi est-ce qu'il ne dit pas
le vrai sur le vrai ?"
Ce personnage est bien connu, on lui a même confié le soin
d'un Vocabulaire... Je n'ai pas à dire le vrai sur le vrai, pour
la raison que je ne peux en dire que ceci : c'est que le vrai c'est ce
qui contredit le faux. Mais par contre je peux dire, je peux dire, mais
encore fallait-il que j'y mette le temps, car il y a un temps pour tout,
je peux dire la vérité sur la vérité.
La vérité, c'est
qu'on ne peut la dire, puisqu'elle ne peut que se mi-dire.
La vérité ne se fonde, je viens de le dire que sur la supposition
du faux : elle est contradiction.
Elle ne se fonde que sur le non. Son énoncé n'est que la
dénonciation de la non-vérité.
Elle se dit rien que par le mi-. Disons le mot, elle est mi-métique
: elle est de l'imaginaire. Et c'est bien pour ça que nous sommes
forcés d'en passer par là à mon avis. Elle est de
l'Imaginaire en tant que l'Imaginaire, c'est le faux deuxième,
par rapport au Réel, en tant que le mâle, chez l'être
parlant, n'est pas la femelle ; et qu'il n'a pas d'autre biais par où
se poser. Seulement, ce ne sont pas là des... des biais dont nous
puissions nous satisfaire. C'en est au point qu'on peut dire que l'inconscient
se définit de ceci et rien que de ceci : qu'il en sait plus que
cette vérité, et que l'homme n'est pas la femme.
Même Aristote n'a pas
osé mouffeter ça ! Comment est-ce qu'il aurait fait, d'abord
hein ?
Dire "aucun homme n'est femme", ça, ça aurait été
vachement culotté, alors, surtout à son époque !
Alors il ne l'a pas fait… S'il avait dit "tout homme n'est pas femme"...
Hein ? Eh bien, vous voyez, hein, voyez le sens que ça prend :
celui d'une exception ; il y en a quelques-uns qui ne le sont pas. C'est
en tant que tout, qu'il n'est pas femme. A, là, le "A" du quanteur,
hein, "A" de x, x un point, et y, barré :
Seulement, l'ennuyeux, c'est
que c'est pas vrai du tout et que ça saute aux yeux que ce ne soit
pas vrai, hein !
La seule chose... La seule chose qu'on pourrait écrire, c'est que...
il n'existe pas de x dont on puisse dire...qu'il
ne soit pas vrai qu'être homme, ce n'est pas être femme :
il n'existe pas de x dont on puisse
dire qu'il ne soit pas vrai qu'être homme ce n'est pas être
femme
Tout ceci, bien sûr, il
faut le noter au passage, suppose que le Un est triple.
A savoir que, il y a le Un dont on fait le tout, à savoir ce qui
s'unifie comme tel, il y a le Un qui veut dire l'un quelconque, à
savoir ce que je vous dirai tout à l'heure, et puis il y a le Un,
mais unique, qui seul fonde le tout.(1).
Nier l'Un unique, c'est là le sens de la barre sur le quanteur de
l'existence.
Pour ce qui est de l'un quelconque, il nous faut bien le considérer
comme un vide pur.
Que le savoir inconscient soit topologique, c'est-à-dire qu'il ne
tienne que de la proximité, du voisinage, non de l'ordre, c'est en
quoi j'essaie de dire, de fonder là-dessus qu'il est nodal. Ce qui
est à traduire de ceci, qu'il s'écrit ou ne s'écrit
pas. Il s'écrit quand je l'écris, que je fais le nœud borroméen,
et... quand vous essayez à cet instant de voir comment ça
tient, c'est-à-dire que vous en faites... que vous en cassez un,
les deux autres se baladent. Il ne s'écrit plus. Et c'est là
que se voit, que s'amorce la convergence du nodal et du modal.
Donc ce savoir inconscient
ne se supporte pas de ce qu'il insiste, mais des traces que cette insistance
laisse.
Non pas de la vérité, mais de sa répétition
en tant que c'est en tant que vérité qu'elle se module.
Ici, il faut que j'introduise ce dont se fonde le voisinage comme tel.
Le voisinage comme tel se fonde de la notion d'ouvert.
Ceci, la topologie en abat tout de suite la carte. C'est d'ensembles en
tant qu'ouverts, qu'elle se fonde. Et c'est bien en quoi elle aborde,
elle aborde par le bon biais ceci : que la classe ne se ferme pas. C'est-à-dire
qu'elle accepte le paradoxe, le paradoxe qui n'est paradoxe que d'une
logique prédicative, à savoir que si la logique renonçait
simplement à l'être, c'est-à-dire que soit rayée
purement et simplement la logique propositionnelle, il n'y aurait pas
de problème, le problème, s'il y en a un, problème
désigné de paradoxe, étant seulement celui-ci que
la classe Homme n'est pas un homme.
Tous les paradoxes se ramènent à ça.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
Sinon qu'à la rigueur ce que nous pouvons désigner d'Homme
est un ensemble ouvert, ce qui saute aux yeux.
Alors voyons bien ceci : la vérité a une limite d'un côté,
et c'est pour ça qu'elle est mi-dire.
Mais de l'autre elle est sans limite, elle est ouverte. Et c'est bien
en quoi peut l'habiter le savoir inconscient, parce que le savoir inconscient,
c'est un ensemble ouvert.
Vous voyez, vous voyez, je l'étale, hein, que l'amour ça
me tracasse.
Vous aussi, bien sûr. Mais pas comme moi ! Hum...
C'est même pour ça que, une parenthèse, votre nombre
me gêne : depuis quelques temps, je ne peux plus vous identifier
à une femme. Ça m'emmerde.
Bon l'amour, dirai-je donc,
puisque, vous me pardonnerez que ça me tracasse, l'amour, c'est
la vérité, mais seulement en tant que c'est à partir
d'elle, à partir d'une coupure que commence un autre savoir que
le savoir propositionnel, à savoir le savoir inconscient.
C'est la vérité en tant qu'elle ne peut être dite
du sujet, en tant que ce qui est supposé, que ce qui est supposé
pouvoir être connu du partenaire sexuel. L'amour, c'est deux mi-dire
qui ne se recouvrent pas. Et c'est ce qui en fait le caractère
fatal. C'est la division irrémédiable. Je veux dire à
quoi on ne peut pas remédier, ce qui implique, ce qui implique
que le "médier" serait déjà possible. Et justement,
c'est non seulement irrémédiable, mais sans aucune médiation.
C'est la connexité entre deux savoirs en tant qu'ils sont irrémédiablement
distincts. Quant ça se produit, ça fait quelque chose de...
de tout à fait privilégié. Quand ça se recouvre,
les deux savoirs inconscients, ça fait un sale méli-mélo.
Et là, je vais avancer, en fin de ce laïus, c'est bien le
nom qui convient, je vais avancer quelque chose qui... est comme ça,
enfin, qui tranche : le savoir masculin, chez l'être parlant, est
irrémédiablement une erre/unaire ?
il est coupure, amorçant une fermeture, justement, celle du départ,
c'est pas son privilège mais il part pour se fermer, et c'est de
ne pas y arriver qu'il finit par se clore sans s'en apercevoir.
Ce savoir masculin, chez l'être parlant, c'est le rond de ficelle.
Il tourne en rond. En lui il y a de l'Un au départ, comme trait
qui se répète d'ailleurs sans se compter, et de tourner
en rond il se clôt, sans même savoir que de ces ronds, il
y en a trois.
Comment peut-il, comment pouvons-nous supposer qu'il y arrive, à
en connaître un bout, de cette distinction élémentaire
?
Ben, heureusement, pour ça il y a une femme. Je vous ai déjà
dit que la femme, naturellement c'est ce qui résulte de ce que
j'ai déjà écrit au tableau, que la femme ça
n'existe pas... Mais une femme, ça... ça peut se produire,
quand il y a nœud, ou plutôt tresse.
Chose curieuse, la tresse, elle ne se produit que de ce qu'elle imite
l'être parlant mâle, parce que... elle peut l'imaginer, elle
le voit strangulé par ces trois catégories qui l'étouffent.
Il n'y a que lui à ne pas le savoir, jusque-là. Elle le
voit imaginairement, mais c'est une imagination de son unité, à
savoir de ce à quoi l'homme lui-même s'identifie.
Non pas de son unité comme savoir inconscient, parce que le savoir
inconscient, il reste plutôt ouvert. Alors, avec cette unité,
elle boucle une tresse. Pour faire un nœud borroméen, je vous l'ai
dit que, il faut faire six gestes et six gestes grâce à quoi,
grâce à quoi ils sont dans le même ordre, à
ceci près que justement, rien ne permet de les reconnaître.
C'est bien pour ça qu'il faut en faire six, à savoir épuiser
l'ordre des permutations deux à deux, et savoir d'avance qu'il
ne faut pas en faire plus, sans quoi on se trompe. C'est bien en quoi,
enfin, une femme n'est pas du tout forcément tressée, de
sorte que c'est pas du tout forcément avec le même élément
qu'elle fait le rond au bout du compte.
C'est même pourquoi
elle reste une femme, entre autres, puisqu'elle est définie par
la tresse dont elle est capable, eh bien, cette tresse, il n'est pas du
tout forcé qu'elle sache que ça soit qu'au bout de six que
ça tienne le coup pour faire un nœud borroméen. C'est pas
du tout sûr que... elle sache non plus que le trois ça a
rapport au Réel, il peut lui en manquer la distinction, de sorte
que ça fait un nœud, si je puis dire, encore plus noué,
d'une unité encore plus une.
Dans le meilleur cas, hein, dans le meilleur cas, il se peut que ça...
ça n'en fasse qu'une, de corde, de rond de ficelle, au bout du
compte, il suffit que vous imaginiez, n'est-ce pas, que le 1,2,3, se raboute
au 2,3,1. Ça fera un nœud, encore bien plus beau, si je puis m'exprimer
ainsi, n'est-ce pas...
Je veux dire que tout se continue dans tout, et après tout, ça
n'en reste pas moins un nœud, parce que si vous avez fait une tresse,
ça donne forcément quelque chose, quelque chose qui en noue
forcément au moins deux, et si deux des brins se rejoignent, eh
bien, ça fera quelque chose qui se nouera ou ne se nouera pas au
troisième, mais la question n'est pas là.
Le ratage, si je puis dire,
dans cette affaire, c'est-à-dire ce par quoi la femme n'existe
pas, c'est bien en quoi, cela même, elle arrive à réussir
l'union sexuelle. Seulement c'te union, c'est l'union de un avec deux
ou de chacun avec chacun de chacun de ces trois brins. L'union sexuelle,
si je puis dire, est interne à son filage.
Et c'est là qu'elle joue son rôle, à bien montrer
ce que c'est qu'un nœud, c'est ce par quoi l'homme, lui, réussit
à être trois. C'est-à-dire à ce que l'Imaginaire,
le Symbolique et le Réel ne se distinguent que d'être trois,
tout brut.
C'est-à-dire que... sans que son sujet s'y retrouve, c'est à
partir de cette triplicité, dont une femme parfois fait sa réussite
en la ratant, c'est-à-dire dont elle se satisfait comme réalisant
en elle-même l'union sexuelle, c'est à partir de là
que l'homme commence à prendre d'une petite jugeote l'idée
qu'un nœud ça sert à quelque chose.
Je vous avais dit que l'hystérique
fait l'homme. Mais c'est formé par l'hystérique que l'homme
part de l'idée, l'idée première, la bonne, celle
qui lui laisse une petite chance, part de l'idée qu'il ne sait
rien.
Ce qui est son cas, à elle, d'ailleurs, puisqu'elle fait l'homme.
Elle ne sait pas que l'union sexuelle n'existe qu'en elle et par hasard.
Elle ne sait rien, mais il se trouve en contrecoup apercevoir ce nœud.
Et ça donne chez lui un résultat second qui est tout différent
en somme : c'est qu'à refuser son savoir ouvert, du même
coup, il le ferme. Il constitue le correct nœud borroméen. Que
le seul Réel qu'est le 3, il y accède, il sait, il sait
que... il sait qu'il parle pour ne rien dire, mais pour obtenir des effets,
qu'il imagine à tour de bras que ces effets sont effectifs, encore
qu'ils tournent en rond, et que le Réel il le suppose, comme il
convient, puisque le supposer n'engage à rien, à rien qu'à
conserver sa santé mentale.
C'est-à-dire être conforme à la norme de l'homme,
à la norme de l'homme qui consiste en ceci qu'il sait qu'il y a
de l'impossible et comme disait cette charmante femme enfin, que je vous
ai déjà citée : "Rien pour l'homme n'est impossible,
ce qu'il ne peut pas faire, il le laisse". C'est ce qu'on appelle la santé
mentale.
Notamment que de n'écrire jamais le rapport sexuel en lui-même,
sinon dans le manque de son désir, lequel n'est rien que son serrage
dans le nœud borroméen. C'est pourquoi je l'ai exprimé pour
la première fois, il y a un temps ; mais il y a des gens qui ne
s'en sont avertis que maintenant, j'ai pu le constater - il est vrai que
c'est quelqu'un qui, qui n'avait que des notes, enfin pour s'informer
"Je te demande de refuser ce que je t'offre, parce que ça n'est
pas ça". Pas ça que je désire que tu acceptes, ni
d'arriver à quoi que ce soit de cette espèce, car je n'ai
affaire qu'à ce nœud-même. |