Première page d’une lettre à Ferdinand Alquié dont la dernière page a disparu.
Mon bien cher ami,
Impardonnable je suis en effet de ne point vous avoir envoyé cette documentation.
Le moindre engagement demandant un peu de loisir – quelques heures du temps ouvert des bibliothèques – est décidément impossible à tenir pour quelqu’un qui est le serf de ses malades de 8 heures 1/2 – du matin à 8 heures 1/2 – du soir ! !
Tel fut mon sort cet hiver.
Et pourtant je parvins à sortir deux conférences au « Collège » de Wahl – sur le conflit individuel et la médiation sociale dans l’expérience psychanalytique.
Vous dirai-je encore que j’ai eu la douleur de perdre ma mère il y a maintenant un mois – et qu’autant le coup, à quoi sa soudaineté donna toute sa force, que j’en ressentis que le souci que j’eus à ce moment de mon malheureux père, contribue pour beaucoup à me rendre la gouverne de ma barque des plus serrées.
Tout cela ne m’excuse pas au reste.
Je m’efforce de guider la bonne volonté de certains de mes élèves – et j’espère aussi vous envoyer quelque chose pour la rentrée – je vais voir ce que cela donne et vous en écris bientôt.
Je pars pour Aix-en-Provence mercredi, car je suis au dernier degré de la tension. Je tiens pourtant.
Ce sont les premières minutes que j’ai pour vous envoyer ce billet. Pardonnez-moi.
Merci de votre indulgence dès maintenant et de votre bon « mot ». À bientôt.
Mes amitiés et celles de Sylvia pour Denise, et croyez-moi toujours votre fidèle,
J. Lacan
Ce 17-XII-48