Intervention sur l’exposé de Ph. Rappart : « De la conception grecque de l’éducation et de l’enseignement de la psychanalyse » Congrès de l’école Freudienne de Paris sur « L’enseignement de la psychanalyse », à Paris le 17 avril 1970, publié dans Lettres de L’école de freudienne, 1971, n° 8 pp. 2-10.
Ph. Rappard – Argument […]
(5)Exposé […]
(8)Discussion :
Nemo s’interroge sur les institutions qui ne délivrent pas à proprement parler un enseignement et qui néanmoins possèdent un rôle d’importance dans l’éducation des sujets (en Grèce opposition entre le culte et l’enseignement du maître de musique ou de gymnastique). Quant à la société actuelle, Nemo pense préférable d’étudier, au lieu par exemple du contenu du savoir dispensé en Faculté, les voies par lesquelles on « apprend à être ce qu’on est » ; il remarque en effet que les établissements d’enseignement transmettent une idéologie, non une « façon d’être ».
G. Michaud demande à Rappard des éclaircissements quant à l’opposition d’une pensée grecque « spiritualiste » et d’une pensée hébraïque « matérialiste » dans le texte de sa communication.
Rappard répond à propos de la distinction opérée par les théologiens protestants et en premier lieu par Luther entre l’Éros au sens grec) et l’Agapé (notion chrétienne et occidentale de l’amour promue par Saint Paul d’après l’enseignement du Christ). Il renvoie au livre de Anders Nigren « Éros et Agapé ».
Lacan interroge Rappard sur l’usage possible de cette distinction entre Éros et Agapé en dehors du problème historique. A-t-elle un intérêt dans le registre psychanalytique ? Lui-même y avait fait allusion dans son séminaire sur « l’Éthique de la Psychanalyse » (1959-60).
G. Michaud repose sa question et précise qu’elle avait trait à la distinction du matérialisme et du spiritualisme telle qu’elle apparaît dans la communication de Rappard.
Rappard répond que le spiritualisme est certainement à situer du côté de l’Éros et le matérialisme de l’Agapé. Une fois l’Agapé située du côté du matérialisme, la science peut intervenir.
(9)Lacan manifeste sa surprise devant le fait que l’on s’étende sur la distinction d’Éros et d’Agapé alors que cette référence n’est pas même mentionnée dans le texte initial de Rappard. Cette distinction est en elle-même extrêmement discutable en critique religieuse ; quant à l’usage que nous pouvons en faire, il se limite strictement à l’éclairage qu’il peut apporter sur un certain tournant historique où Éros et Agapé peuvent imager la figure transitoire d’une certaine bi-polarité dans la pratique de l’amour (renvoi au séminaire sur l’Éthique).
Lacan remarque que le texte de Rappard comporte des notations bien plus importantes pour nous, notamment dans sa dernière partie, très pertinente. Il demande à Rappard des commentaires sur la fin de son texte relatif à la communauté civile, à la tâche et à « l’amour comme objet scientifique ».
Rappard – ces dernières phrases s’adressent aux psychiatres en institutions, qui ont affaire dans leur pratique à la « tâche » et à la dualité originelle ; le problème étant de laisser à la Communauté ce qui la caractérise comme communauté civile, celle-ci semblant pouvoir posséder une fonction analytique. La communauté civile n’est pas une communauté religieuse, elle met l’amour comme en suspens à son intérieur, elle est une communauté vacuolaire.
Oury interroge Rappard sur ce qu’il nomme dans son texte « acte d’obéissance » en l’articulant à la question de l’enseignement. Partant de la citation de Freud « nous osons prendre cet amour lui-même comme objet de l’analyse », il pose la question de savoir si l’amour, objet de l’analyse, peut être objet d’enseignement et si l’enseignement est un enseignement sur l’objet de l’analyse.
Lacan intervient pour pointer que l’intérêt du texte de Rappard lui semble être concentré sur ce qui concerne l’instruction, notamment dans un passage tel que celui-ci : « l’instruction ne consiste pas dans le développement méthodique des facultés, elle en est d’une certaine façon paradoxale la négation ».
G. Michaud note que c’est la pratique en institution, notamment la création des clubs thérapeutiques, « communauté (10)dans la communauté » qui peut porter témoignage de ce qui est allégué par Rappard quant à la « catastrophe qui guette la communauté lorsqu’elle veut aimer ou se faire aimer ». C’est-à-dire par exemple lorsqu’il y a confusion en institution des champs du symbolique et de l’imaginaire.
Rappard ajoute que si cette phrase de son texte vise les clubs thérapeutiques, elle concerne tout autant une école. L’idéal serait une école qui ne cherche pas à se faire aimer et n’aime pas.
Lacan – L’opposition de l’instruction et de l’initiation dans le texte de Rappard est importante, ne serait-ce qu’en raison de la tendance à reproduire des métaphores initiatiques à propos de l’analyse. Une fois posé que l’analyse n’est pas à proprement parler une initiation, il serait intéressant de se demander en quoi elle participe de l’instruction. Sans doute s’instruit-on en analyse, s’instruire étant bien différent de recevoir une information.