SÉVILLA | LE MONDE | 25.01.01 | 09h42

 

A Porto Alegre, au Brésil, plus de dix mille personnes sont attendues pour débattre de la mondialisation et pour prouver qu'"un autre monde est possible". PORTO ALEGRE de nos envoyés spéciaux

Les habitants de Porto Alegre ne sont pas habitués à une telle effervescence. A cette époque de l'année, la ville se vide et chacun part pour ses congés d'été. Mais cette fois-ci, tout le monde semble avoir dérogé à ses habitudes afin d'être présent au premier forum mondial social, dont le coup d'envoi sera donné jeudi 25 janvier à la PUC, l'université catholique, en même temps que le Forum économique de Davos (Suisse). “La mobilisation dépasse déjà toutes nos espérances. Nous attendions 2 500 participants. Ils seront plus de 10 000, et plus d'un millier de journalistes ont fait le déplacement”, a expliqué Oded Grajew, de CIVES, une association d'entrepreneurs éthiques et membre du comité organisateur, tout comme Attac (Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens). Le choix de Porto Alegre s'est imposé grâce au “budget participatif”, qui offre à la population la possibilité d'influer, à travers des représentants élus, sur la ventilation des investissements sociaux de la mairie. Le parti des travailleurs (PT), localement dominé par un courant trotskiste, monopolise depuis douze ans, et pour le quatrième mandat consécutif, la gestion de la municipalité.

Cette affluence inattendue explique les problèmes d'organisation et le sentiment d'improvisation qui régnait encore à quelques heures de l'ouverture officielle. Malgré les efforts déployés par la ville et par l'Etat du Rio Grande do sul pour soulager les organisateurs du Forum de toute la logistique. Ce soutien officiel des autorités locales a d'ailleurs provoqué les critiques du président brésilien Fernando Henrique Cardoso. Celui-ci a ironisé sur ses participants qui “imaginent que le monde va faire un pas en arrière”.

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Chiffres à l'appui, le gouverneur de l'Etat, Olivio Dutra, lui a rétorqué que s'il avait investi 970 000 reals (3,7 millions de francs) dans l'organisation du forum, l'événement devrait rapporter à la ville plus de 7 millions (26 millions de francs).

Cette journée d'inauguration doit débuter , au son des tambours, par un rassemblement en début d'après-midi, sur le campus de l'université, de tous les représentants des mouvements de la société civile, organisations non gouvernementales, syndicats, et personnalités reconnues pour leur engagement politique ou social, telles que l'ancien président algérien Ahmed Ben Bella, le leader du Timor oriental, José Ramos Horta, prix Nobel de la paix en 1996 et l'ex-footballeur Rai, ancien du Paris Saint Germain, qui vient de créer une fondation réservée aux enfants issus de familles déshéritées.

“Nous avons voulu que soit représentée ici toute la diversité des sociétés. Ce ne sera pas comme à Davos, un forum de personnalités pour l'essentiel porte-parole de leurs actionnaires”, a souligné Oded Grajew. Au total quelques cent vingt pays seront présents. Ensuite une marche est prévue dans le centre ville. Le cortège doit partir de la mairie pour se rendre à l'amphithéâtre du “coucher du soleil” près de la rivière Guaiba, où une grande fête populaire clôturera la journée.

Le parcours de la manifestation a fait l'objet de rudes négociations avec le mouvement des sans terres (MST). Ceux-ci avaient demandé que le cortège passe devant deux banques étrangères et un Mac Donald. Les organisateurs, inquiets de possibles dérapages, ont refusé. “Ce sera une marche pacifique, dont l'objectif est de montrer que nous ne sommes pas une réalité ésotérique, mais un rassemblement engagé dans la définition d'une alternative à la mondialisation libérale. Nous condamnons toute action provocatrice”, a prévenu Chico Witacker, de la Conférence épiscopale du Brésil.

Le forum de Porto Alegre se veut avant tout un espace de dialogue et de propositions. Pendant cinq jours, les militants plancheront sur les conséquences de la mondialisation. Le matin sous forme de séances plénières avec l'intervention d'experts reconnus dans leur domaine et l'après-midi dans le cadre d'ateliers réunissant les différentes ONG. Plus de 400 ateliers sont prévus. Quatre thèmes principaux devraient structurer les débats: la question de l'accès aux richesses et de sa répartition, comment assurer un développement durable de la planète, comment la société civile peut-elle renforcer sa capacité d'influence et enfin comment préserver la démocratie et le rôle des Etats face à la mondialisation. Personne ne prétend ici repartir avec un programme de gouvernement mondial. Porto Alegre est le début d'un processus, une nouvelle étape dans l'affirmation d'une société civile internationale hostile aux excès du libéralisme. Mais qui est consciente du chemin qui lui reste à parcourir pour dépasser ses divisions internes et formuler un projet suffisamment convaincant pour ne plus douter qu' “un autre monde est possible” selon leur slogan. “En plusieurs occasions, à Seattle, Washington, Prague et Nice, les mouvements populaires ont dit ‘non’ au FMI (Fonds monétaire international), à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et à la Banque mondiale. Nous allons maintenant adopter une attitude active, élaborer des propositions, des alternatives au néolibéralisme”, a déclaré Bernard Cassen, président d'Attac et un des principaux initiateurs du forum.

Laurence Caramel et Jean-Jacques Sévilla