
La «Proposition d’octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École» (dite «de la passe»), écrite par Jacques Lacan, adoptée et mise en œuvre par l’École freudienne de Paris (EFP), a été reçue, lors de la création de l’ELP, comme le seul dispositif d’habilitation du psychanalyste en phase avec l’enseignement de Lacan et l'expérience de l’analyse. Il s’agissait donc d’en reconduire le fonctionnement (sa structure de mot d’esprit), alors que les conditions de sa mise en œuvre, du fait de la dissolution de l’EFP, avaient considérablement changé.
Une expérience singulière et inattendue devait encourager ce mouvement: dans l’absence d’école, des «passes sauvages» s’étaient spontanément produites, inventant, chacune, comme elle le pouvait, un dispositif proche de celui proposé par Lacan mais qui, faute d’École, ne pouvait aboutir à aucune nomination.
L'absence au départ d'Analystes de l'École (ceux de l'ex-EFP ne pouvant plus être considérés comme tels, leur école ayant été dissoute), avait pour conséquence que plus personne n’était en position de désigner des passeurs, indispensables à la procédure. Le choix de laisser tout membre de l'école libre de le faire (ou pas) put passer d'abord pour une solution digne de l'œuf de Colomb. C'était sans compter avec une difficulté qui ne tarda pas à se manifester: cette école n'entendait nullement regrouper des «analystes», puisqu'il n'était pas question d’accorder un tel titre sans raison fondée, alors même qu'un passeur ne pouvait être désigné que par quelqu'un en position d'analyste à son endroit. Si bien que la mise en œuvre du dispositif démarra dans ce guingois-là: il était fait confiance à tout membre qu'il ne désignerait un passeur qu'au sein de sa clientèle… sans qu'il soit pour autant reconnu comme analyste. Celui ou celle qui se risquait à telle désignation d'un passeur se retrouvait par contre sur la liste à partir de laquelle s'effectuaient les tirages au sort propres à constituer les jurys de passe.
Une autre difficulté devait bientôt se lever: en dépit de son renouvellement régulier mais partiel, un tel jury prenait assez rapidement ses marques, ses façons, ses habitudes, comme un quelconque didacticien. Il fut donc décidé, au sein de ceux qui avaient ainsi désigné des passeurs (la «communauté des nommants»), de pratiquer désormais une politique du «tourbillon» (un mot de Lacan): chaque passant potentiel tire au sort ses deux passeurs auprès d'un secrétaire de cette passe (membre de cette «communauté des nommants»). La fonction de ce secrétaire ne va pas au-delà d’admettre ou refuser ce tirage au sort, puis de tirer au sort son propre successeur pour une prochaine passe. Une fois le témoignage porté auprès des passeurs par le passant, ce dernier en avertit ce même secrétaire, qui tire alors au sort les membres du jury (composé de trois «nommants» et d’un passeur), jury de cette passe et d'elle seule. Ne fallait-il pas alors quelqu'un à même de superviser ce petit maelström, d'en assurer le bon fonctionnement, de sérier les expériences? La réponse fut, très logiquement, négative: un responsable de tourbillon n'est qu'une contradiction dans les termes.
Les A.E. de l'ELP n'y sont appelés à aucune fonction institutionnelle (enseignement, contrôle, publication, désignation de passeurs, témoignage ou quoi que ce soit d'autre). La nomination, quand elle a lieu, reste institutionnellement discrète: elle est annoncée dans le courrier de l’école, enregistrée dans son annuaire, et c'est tout.