La transcription ci-après est celle de cette version manuscrite adressée à Ferdinand Alquié. Ce poème est paru dans une version différente au phare de Neuilly, 1933 (n° 3-4). (On trouve dans les premiers numéros de cette Revue des photos de Braissaï, de Man Ray, une poésie de James Joyce. Dans le numéro 3-4, Jacques Lacan voisinait avec Arp, Ivan Goll, Asturias et Queneau). Il est paru également au Magazine Littéraire, 1977 n° 121 dans une version un peu différente.

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Héraclite ( Fragments )
Choses que coule en vous la sueur ou la sève,
Formes, que vous naissiez de la forge ou du sang,
Votre torrent n’est pas plus dense que mon rêve[2],
Et si je ne vous bats d’un désir incessant,
Je traverse votre eau, je tombe vers la grève
Où m’attire le poids de mon démon pensant[3];
Seul il heurte au sol dur sur quoi l’être s’élève,
Le mal aveugle et sourd, le dieu privé de sens[4].
Mais, sitôt que tout verbe a péri dans ma gorge,
Choses qui jaillissez[5] du sang ou de la forge,
Nature –, je me perds au flux d’un élément :
Celui qui couve en moi, le même vous soulève,
Formes que coule en vous la sueur ou la sève,
C’est le feu qui me fait votre immortel amant.
[6]Melancholiae Tibi Bellae. Hardelot. 6 août 1929
Signé : J. Lacan
[1] – Le titre de ce poème dans Le Phare de Neuilly et les autres parutions est : Hiatus irrationnalis.
[2] – Dans Le Phare de Neuilly, à la place de la virgule il y a un point virgule.
[3] – Dans Le Phare de Neuilly, à la place du point virgule, il y a un point.
[4] – Ce vers est omis dans la version Magazine Littéraire, ce qui n’en fait plus un sonnet. Dans Le Phare de Neuilly, l’article le est remplacé les deux fois par au.
[5] – Les versions Le Phare de Neuilly et le Magazine Littéraire indiquent « que vous naissiez » au lieu de « qui jaillissez ».
[6] – Seule la version manuscrite à F. Alquié comporte cette mention. Les autres indiquent « H.P., août 1929, Jacques Lacan ».