J.LACAN             en cours             gaogoa

 

XVI- D'un Autre à l'autre           note

 

27 Novembre  1968

 

 

 

 

 

Nous sommes arrivés, la dernière fois, à un point qui commande que je vous donne aujourd'hui quelques éclaircissements que j'appellerai topologiques.

    Ce n'est pas là chose nouvelle à ce que je l'introduise ici, mais il convient que je la conjoigne avec ce que précisément j'ai introduit cette année sous cette force qui désigne le rapport du savoir à quelques chose, certes, de plus mystérieux, si plus fondamental, à quelque chose dont c'est bien le danger qu'il soit pris dans la fonction d'un fond, par rapport au champ dune forme, alors qu'il s'agit de bien autre chose : j'ai nommé la jouissance. La jouissance dont bien sûr il n'est que trop évident qu'elle fait la substance de tout ce dont nous parlons dans la psychanalyse.

C'est bien par là qu'elle n'est pas informe ; la jouissance a ici cette portée qu'elle nous permet d'introduire cette, fonction proprement structurale qui est celle du plus-de-jouir ; ce plus-de-jouir est apparu, dans mes derniers discours, en fonction (p58->) d'homologie par rapport à la plus-value marxiste, homologie, c'est bien dire et je l'ai souligné que leur rapport n'est pas d'analogie, i1 s'agit bien de la même chose ; il s'agit bien de la même étoffe en tant que ce dont il s'agit, c'est le trait de ciseau du discours.
   
Me fais-je là bien entendre ?

S'il est bien vrai que ce qui est ici intéressé dans le mien, car ce rapport du plus-de-jouir à la plus-value, chacun qui suit depuis un temps suffisant ce que j'énonce voit autour de quelle fonction, il tourne, ce rapport;  c'est la fonction de l'objet a.

Cet objet a, si en un certain sens je l'ai inventé comme on peut dire que le discours de Marx invente, qu'est-ce à dire, c'est la trouvaille de la plus-value.

    Ce n'est pas dire, bien sûr, qu'il n'ait pas été avant mon propre discours, approché, c'est ce qu'on a appelé, mais de façon franchement insuffisante, , aussi insuffisante qu'était la définition de la plus-value avant que la fasse apparaître dans sa rigueur le discours de Marx ; mais l'important n'est pas de souligner cette équivalence dans l'ordre de l'importance de la trouvaille.

 

(p59->) L'important est de poser la question de ce quoi nom pouvons penser du fait même de la trouvaille si, d'abord, je la définis comme effet d'un discours.

Car il ne s'agit pas de théories au sens où elles recouvriraient quelque chose qui, à un moment donné, deviendrait apparent.

L'objet a est effet du discours analytique et, comme tel, ce que j'en dis n'est que cet effet même.

    Est-ce à dire qu'il n'est qu'artifice créé par le discours analytique ? Là est le point que je désigne et qui est consistant avec le fond de la question, telle que je la pose, quant à la fonction de l'analyste ; si l'analyste lui-même n'était pas cet effet, je dirais plus : ce symptôme, qui résulte d'une certaine incidence dans l'Histoire, impliquant transformation du rapport du savoir avec ce fond énigmatique de la jouissance du rapport du savoir en tant qu'il est déterminant pour la position du sujet il n'y aurait ni discours analytique ni bien sûr révélation de la fonction de l'objet a, mais la question de l'artifice, vous le voyez bien, se modifie, se suspend, trouve sa médiation dans ce fait que ce qui est découvert dans un effet de discours est déjà apparu comme effet de discours dans l'Histoire.

(p60->)Que la psychanalyse, autrement dit, n'apparaît comme symptôme que pour autant qu'un tournant du savoir dans l'Histoire - je ne dis pas de l'histoire du savoir - qu'un tournant de l'incidence du savoir dans l'Histoire est déjà là qui a concentré, si je puis dire, pour nous l'offrir, pour la mettre à notre portée, cette fonction.
   Je parle de celle définie par l'objet a.

I1 est clair que personne, sauf ma traductrice italienne dont je n'offenserai pas la modestie du fait qu'elle a raté l'avion ce matin et n'est pas là, qui s'est fort bien aperçu, il y a quelques temps de l'identité de cette fonction de la plus-value et de l'objet a... pourquoi pas plus de personnes à l'avoir énoncé si tant est qu'il ait pu se faire que la chose ne m'ait point été communiquée ? Là est l'étrange.

L'étrange qui, assurément se tempère à saisir sur le vif, comme je fais, c'est mon destin,

 la difficulté du progrès de ce discours analytique, la résistance qui s'accroît à mesure même qu'il poursuit.

    (p61->) Et n'est-il pas singulier, puisqu'aussi bien j'ai là un témoignage qui après tout prend sa valeur, le devenir de quelqu'un qui est dune génération des plus jeunes, n'est-il pas singulier de voir que, par un effet qu'assurément je ne désignerai pas pour être celui de mon discours, mais pour être celui du progrès de la difficulté croissante qui s'engendre de ce que j'ai appelé cette absolutisation du marché du savoir, je suis touché que fréquemment combien plus aisé, dans la génération qui vient est mon échange avec ceux dont, après tout, par une petite expérience de calcul, j'ai pu faire la moyenne d'âge, disons avec ceux qui ont 24 ans.

Je n'irai pas dire qu'à 24 ans tout le monde est lacanien, mais sûrement qu'en quelque sorte, rien de ce que j'ai pu rencontrer dans le temps, comme on dit, comme difficultés à faire entendre ce discours, ne se produit plus, tout au moins pas à la même place, là où j'ai affaire à quiconque, je dis même n'étant point psychanalyste, approche seulement les problèmes du savoir sous leur angle le plus moderne, et disons a quelque ouverture sur le domaine de la logique.

    Aussi bien, puisque c'est au niveau de cette génération qu'on se met - j'en ai des échos déjà

    (p62->) des fruits, des résultats - à étudier mes écrits, de même à commencer de pondre ce qu'on appelle diplômes ou thèses, bref à les soumettre à l'épreuve d'une transmission universitaire, j'ai pu récemment, et non pas du tout pour en être surpris, constater assurément la difficulté qu'ont ces jeunes auteurs à extraire de ces écrits ce qu'on peut appeler une formule qui soit recevable et classable dans ce qu'on leur offre comme tiroir.

Assurément, ce qui leur échappe le plus c'est ce qui est là-dedans, ce qui en fait le poids et l'essentiel ce qui sans doute retient ces lecteurs que je suis toujours si étonné de savoir si nombreux, c'est la dimension du travail qui précisément s'y représente.

Je veux dire que chacun d'eux, chacun de ces écrits représente quelque chose que j'ai eu à déplacer, à pousser, à charrier dans l'ordre de cette dimension de résistance qui n'est point d'ordre individuel, qui est seulement, du fait que les générations déjà au temps où je commençais de parler,  qui se recrutaient déjà à un niveau plus âgé, dans ce rapport en plein glissement au savoir, qui se trouvait, pour tout dire, formée de toutes les façons sous un mode tel que rien, en soi, n'était plus difficile que de les (p63->) situer au niveau de cette expérience annonciatrice, dénonciatrice qu'est la psychanalyse. C'est bien pour cela que ce que j'essaie aujourd'hui d'articuler, je le fais dans un certain espoir que quelque chose se conjoigne qui soit ce ce qui m'est offert dans l'attention des générations plus jeunes avec ce qui effectivement se présente comme un discours néanmoins, qu'on ne s'attende d'aucune façon que ce discours puisse se faire profession articulée d'une position de distance à l'endroit de ce qui s'opère vraiment dans ce progrès du discours analytique

    Ce que j'énonce du sujet comme effet lui-même du discours rend absolument exclu que le mien se fasse système alors que ce qui en fait la difficulté c'est d'indiquer, par son procès même, comment ce discours est lui-même commandé par une subordination du sujet, du sujet psychanalytique dont je me fais ici support par rapport à ce qui le commande et qui tient à tout le savoir.Ma position, chacun le sait, est identique en plusieurs points où, sous le nom d'épistémologie, une question se pose qu'on pourrait en quelque sorte toujours définir par ceci qu'en est-il du désir qui soutient de la façon la plus cachée le discours, qui en est (p64->) apparemment le plus abstrait, 4isons le discours mathématique ? Pourtant 1a difficulté est d'un ordre tout différent au niveau où je dois me placer pour la raison que si le suspens peut être mis sur ce qui anime le discours mathématique, il est clair que chacune de ces opérations est faite pour boucher , élider, recoudre, suturer cette question à tout instant et rappelez‑vous ce qui, ici, en est apparu déjà, il y a quatre ans, sous la fonction de la suture.
   
hlors qu'au contraire, ce dont il s'agit dans le discours analytique c'est de donner sa prisence pleing à cette fonction du sujet, au contraire retournant ce :o;:v~ment de reduction qui estdans le discours logiquelperpétuellement0centrqet d'une façon d'autant plus problématique qu'il ne nous est permis d'aucune façon de suppléer à ce qui est faille, sinon par artifice, et en indiquant bien ce que nous aisons à cet instant quand nous nous permettons

  Se designer ce manque, effet de la signifiance I de quelque chose qui, prétendant le signiïier, ne s^urait être par définition un signifiant. Si nous indiquons signifiant de X4, c'est en quelqis sorte ,.our indiquer ce aanque, et, comme je l'ai plusieurs fois articulé, ce manque dans le signifiant.