séminaire XVI-
La logique du fantasme. 1966-1967
version rue CB
11 janvier 1967 note
(p67->)
Cette
transformation, un logicien formé a la logique symbolique, la reconnaîtra
cette formule mise au jour de ce registre symbolique, pour la première
fois par Morgan au milieu du siècle dernier. Elle présenterait une véritable
découverte qui n’avait jamais été mise au jour sous cette forme, et
s’exprimait d’abord ainsi : que dans le rapport propositionnel qui consiste
dans la conjonction de deux propositions ; ce qu’exprime à Droite la
conjonction de A et de B, si vous le niez en tant que conjonction. si vous dites
qu’il n’est pas vrai par exemp1e, que A et B soient ensemble, tenable,
ceci équivaut à la réunion, et veut dire autre chose que l’intersection.
L’intersection
c’est : si vous imagez le champ de chacune de ces propositions par un cercle
couvrant une aire.
L’intersection
ce n’est pas l’addition, car il peut y avoir a chacun des deux champs une
partie commune.
(p68->)
La
négation de l’intersection, à savoir : ce qu’i1 en est de ce que A
et B soient ensemble représentés par 1a réunion de 1a négation de A,
Ce qu’il en est de la négation : c’est la partie de B et de la négation
de B, c’est-à-dire cette partie de A.
Vous
voyez quelque chose qui
reste,
qui est accepté, la réunion de ces deux négations; une formule si simple,
s’est trouvée prendre une telle portée dans le développement de la logique
symbolique est considérée comme fondamentale au titre de ce qu’on appelle le
“principe de dualité”, qui s’exprime ainsi sous sa forme p1us générale.
Si
nous portons la chose sur le plan de ce qui vient au fondement de la formulation
du développement mathématique, à savoir : la théorie des ensembles, la théorie
des ensembles qui, sous une forme masquée, introduit quelque chose qui permet
de faire le fondement de ce qui est
le
développement de la pensée mathématique, c’est ce que d’une façon masquée,
je
vous ai appris à distinguer du sujet de l’énoncé comme étant le sujet de
l’énonciation et se trouve dans la définition de l’ensemble comme tel ; le
sujet de l’énonciation s’y trouve “gelé”, il y reste impliqué
pour autant que la théorie des ensembles est ce qui permet du développement de
la pensée mathématique de dérouler l’exposé, d’assurer la cohérence au
champ, est le progrès d’intervention de la démarche propre du développement
mathématique, qui n’est pas celle d’une tautologie, qui a sa fécondité
propre et par ce ressort qui lui est essentiel et qu’on appelle le
raisonnement par récurrence, ou champ de “l’induction complète”.
Ceci,
pour être mis en valeur, exige le recours à la temporalité, à la démarche
du raisonnement par ce quelque chose qui est constitutif du raisonnement par la
récurrence.
Au
niveau de la théorie des ensembles. nous avons à chercher un appareil qui
permette de symboliser ce qui est assuré du développement mathématique et
qui, dans l’acte de l’énonciation, s’isole comme le sujet de l’énonciation.
C’est cela, qui, dans la notion d’ensemble, est très précisément pour
autant qu’elle se tonde sur la possibilité de l’ensemble vide comme tel,
c’est cela où s’assure d’une façon voilée. le sujet.
Au
niveau de 1a théorie des ensembles, la théorie de Morgan s’exprime ainsi :
que toute formule, ensemble vide, le signe, l’intersection, en substi-(p68->)tuant
l’ensemble à l’ensemble vide, à l’ensemble vide un ensemble, à la réunion
de l’intersection, nous conservons la valeur de vérité qui a pu être établie
dans la première formule,
Tel
est ce que veut dire, que nous substituons au : je pense donc je suis, ce
quelque chose qui exige que nous le regardions de plus près dans son maniement
mais qui peut s’articuler comme quelque chose dont 1e coût de la réunion est
à regarder de plus près et qui unit un « je ne pense pas » avec un
“ je ne suis pas “.
Aussi
bien ces deux “ne pas”
ne sont-ils pas, bien entendu, partis de cette dimension de l’ensernb1e vide
pour autant qu’elle supporte ce quelque chose de défini par l’énonciation,
à quoi sans doute il se peut que rien ne réponde, mais qui est établi comme
tel. Cet ensemble vide en tant que représentant le sujet de l’énonciation
force à prendre sous une valeur qui est à examiner, la fonction de la négation.
Assurément, depuis toujours, et au simple examen de l’énoncé, l’ambiguïté
de la négation prise dans son usage simplement grammatical est-elle absolument
évidente. Prenons le : “je ne désire pas”, il est clair que ce
“je ne désire pas”, à 1ui tout seul, est fait pour nous faire demander
sur quoi porte la négation, si c’est un “je ne te désire pas”
transitif, i1 implique l’indésirable de mon fait, il y a quelque chose que je
ne désire pas. La négation aussi. Énoncer que ce n’est pas moi qui désire,
impliquant que je me décharge d’un désir qui peut aussi bien être ce qui me
porte tout en étant pas moi, mais encore, reste-t-il que cette négation peut
vouloir dire qu’il n’est pas vrai que je désire, que le désir soit de moi
ou de pas moi, n’a rien à faire avec la question,
C’est
vous dire que cette dialectique du sujet, pour autant que nous essayons de
l’ordonner, de la délinéer entre sujet de l’énoncé et sujet de l’énonciation,
c’est là une oeuvre bien utile et spécialement au niveau où nous reprenons
aujourd’hui l’interrogation du Cogito de Descartes, C’est ce qui
peut nous permettre de donner le sens véritable, la situation exacte à ce qui
par Freud s’en modifie et se propose à nous sous ces deux formes qui
s’appellent l’inconscient, qui sont pour nous ce qu’il s’agit de
distinguer à la lumière de cette interrogation du Cogito de Descartes.
Que
le cogito soit discuté, c’est un fait dans le discours philosophique,
c’est ce qui permet d’y entrer nous-mêmes avec l’usage où nous entendons
le faire servir puisque aussi bien ce certain flottement qui peut y rester témoigne
de quelque chose où il devrait se compléter. Si le cogito dans
l’histoire de la philosophie est une date, pourquoi ? C’est que pour 1e
dire, il substitue au rapport pathétique, (p70->) au rapport difficile qui
avait fait toute la tradition de l’interrogation philosophique, qui n’était
que celle du rapport du penser à l’être.
Allez
l’ouvrir, non à travers 1es commentateurs, mais directement, ce sera pour
vous plus facile si vous le savez, ou pas, il y a de bonnes traductions, des
commentaires, suffisants en anglais de la métaphysique d’Aristote, celle de
Tricot, le commentaire T(h)omiste.
Vous
vous apercevrez de tout ce qui a pu s’accumuler de critiques, ou d’exégèses,
autour de ce texte, que tel scoliaste nous dit que tel passage est
discutable. Combien, pour un lecteur primaire toutes ces questions
apparaissent vraiment secondaires après.
Dans
cette lecture, une chose vous frappera, du registre de ce que j’ai appelé le
pathétique. Quand vous verrez à tout instant se renouveler et rejaillir dans
ce quelque chose qui semble porter la trace du discours formulé, de cette
interrogation, ce qu’il en est du rapport de la pensée et de l’être et
comment vous verrez surgit tel terme.
La
dignité qui est celle qui a préservé du penser au regard., de ce qui doit le
rendre à la hauteur de
ce
qu’il en est de ce qu’on veut saisir, non l’étant en ce qui est, mais ce
qui par où l’être se manifeste, l’être en tant qu’être, a-t-on dit,
mauvaise traduction.
Ce
n’est certes pas l’être en tant qu’être qui convient pour le traduire,
puisque vous savez le grec, tournure pas seulement littéraire. Ce trait
d’origine du verbe grec qui a en commun l’imparfait, le “c’était ”,
qui veut dire : ça vient de disparaître. Tout en même temps, ça peut vouloir
dire : ça allait être, dans l’Hippolyte d’Euripide, ce que c’était être,
« ce que c’était être, avant que j’en parle », A quel degré
elle peut en être degré cette pensée, s’élever à la hauteur de 1’être
sentir la racine du sacré.
La
racine de l’ordre du sacré, voilà l’attache, la première articulation
du philosophe au niveau de celui qui a introduit on peut le dire, le premier pas
d’une science positive. Pour le temps :
c’est
bien aussi ce dernier terme, l’étant par où il est étant, c’est-à-dire
ce quelque chose qui pointe vers l’être. Chacun sait que le mouvement de la
tradition philosophique en représente rien d’autre que le progressif éloignement
de cette source de trouvaille, de cette première invention qui a abouti à
travers les écoles qui se succèdent, de plus en plus a insérer autour de
1’articulation logique ce qui peut être contenu de cette interrogation première.
Or,
le cogito de Descartes a un sens, c’est qu’à ce rapport de la pensée
et de l’être, il substitue purement et simplement l’instauration de l’être
du je,
(p71->)
Ce que je veux produire devant vous est ceci . c’est que pour autant que
l’expérience, l’expérience qui elle-même est suite et effet de ce
franchissement de la pensée qui représente enfin quelque chose qui peut
s’appeler : refus de la question de l’être. C’est précisément pour
autant que ce refus a engendré cette suite, cette levée ouverte de l’abord
sur le monde qui s’appelle la science. Que si quelque chose à l’intérieur
des effets de ce franchissement s’est produit, qui s’appelle : 1a découverte
freudienne ou encore sa pensée, par la pensée sur 1a pensée, le point
essentiel, c’est que ceci, en aucun cas, ne veut dire : un retour à la pensée
de l’être.
Rien
dans ce qu’apporte Freud, qu’il s’agisse de l’inconscient, du ça ne
fait retour à quelque chose qui, au niveau de 1a pensée, vous replace sur ce
plan de l’interrogation de l’être.
Ce
n’est qu’à l’intérieur, et restant dans les suites de cette limite de
franchissement, de cette cassure, par quoi à la question que la pensée pose à
l’être est substituée sur le mode d’un refus, la seule affirmation de l’être
du je, c’est à 1’intérieur de ceci que prend son sens ce qu’amène Freud
tant du côté de l’inconscient que du côté du ça.
Pour
vous le montrer, pour vous montrer comment cela s’articule, je m’avance
cette année dans
le
domaine de la logique, puisqu’aussi bien nous le poursuivons maintenant, dans
le cogito 1ui-même qui mérite à cet endroit d’être une fois de plus
parcouru, nous allons trouver les amorces du paradoxe qui est celui qui
introduit le recours à 1a formule morganienne telle que je vous l’ai
d’abord produite et qui est celle-ci ; y
a-t-il un être du je, hors du discours,
c’est bien la question que tranche le cogito cartésien, encore faut-il
voir comment il le fait.
C’est
pour en poser la question que nous avons introduit ces guillemets autour de l’ergo
sum, si subversif dans sa portée naïve, si l’on peut dire, qui en font
un ergo sum cogité dont en somme le seul être tient dans ce : ergo,
qui lui, dans l’intérieur de sa pensée, se présente pour Descartes comme le
signe de ce qu’il articule lui-même a plusieurs reprises, et aussi bien dans
le discours de la méthode que dans les cogitations, que dans les principes,
c’est-à-savoir : comme un ergo de nécessité.
Mais
si seulement cet ergo représente cette nécessité, est-ce que nous ne pouvons
pas vair ce qui résulte de ceci : que l’ergo sum n’est que refus du
dur chemin d’une pensée à l’être et du savoir qui doit, ce chemin, le
parcourir. Il prend cet ergo sum, 1e raccourci d’être celui qui pense.
Mais
à penser qu’il n’est pas besoin l’étant sur le parcours où il tient son
être puisque déjà la question s’assure elle-même de sa propre existence.
N’est-ce
pas là se placer comme ego, hors de la prise dont l’être peut étreindre 1a
pensée. Se poser : ego : je pense, comme pur pense-être, comme subsistant d’être
le je d’un “ ne suis pas” local.
(p72->)
Ce qui veut dire : je ne suis qu’à ce que la question de l’être soit éludée.
Je me passe d’être, je ne suis pas, sauf là où nécessairement je suis pour
pouvoir le dire ou pour mieux dire où je suis, ou pour pouvoir le faire dire à
l’autre, car c’est bien là la démarche quand vous la suivez de près dans
Descartes.
C’est
en ceci, que c’est une démarche féconde qui a le même profil que celle du
raisonnement par récurrence qui est en quelque sorte ceci : de mener l’autre
sur un chemin, longtemps, sur un. chemin qui est celui d’un renoncé, à tel
et tel, bientôt à toutes les voies du savoir, et à un tournant, de le
surprendre en cet aveu, que là au moins, de lui avoir fait parcourir ce chemin,
il faut bien que je sois.
Que
la dimension de cet autre qui est si essentielle, qu’on peut dire, qu’elle
est au nerf du cogito, et que c’est elle qui constitue proprement la
limite de ce qui peut se définir et s’assurer au mieux, comme l’ensemble
vide que constitue le : je suis, dans cette référence,
où je, en tant que je suis, se constitue de ceci : de ne contenir aucun élément.
Ce
cadre ne vaut, que pour autant que le “ je pense “, je le pense,
c’est-à-dire que j’argumente le cogito avec l’autre, “ Ne
suis pas “ signifie qu’il n’y a pas d’éléments de cet ensemble,
qui, sous le terme du”’je”» existe, ego surn sive cogito
mais sans qu’il y ait rien qui le meuble.
Cette
rencontre rend c1air que le “je pense” ait un semblable habillement,
si ce n’est pas au niveau du je pense, qui prépare cet aveu d’un ensemble
vide qu’il s’agit, c’est du vidage d’un autre ensemble, c’est après
que Descartes ait fait la mise à l’épreuve, à tous les accès au savoir
qu’il ait fondé cette pensée à proprement parler, de l’évitement de l’être
pour n’être avide que de certitude et qui en résu1te ceci que nous
avons déjà appelé : vidage, qui se termine par cette interrogation, à savoir
: si cette opération comme telle, ne suffit pas à donner de l’ego, la
seule et véritable substance.
C’est
bien de là pour autant que nous en saisissons l’importance, que devient
seulement pensable, comme par un fil conducteur, ce dont
il
va s’agir quand Freud nous
apporte quoi ? Ce qui en résulte dans ce qu’il appelle, pour employer
ses propres termes, non pas le fonctionnement mental, comme on le traduit
faussement d’allemand en anglais, mais le psychisme, l’évènement
psychique, dont il ne reste rien dans ce sur quoi Freud s’interroge, de
quelque chose qui puisse ranimer, raviver, la pensée de l’être au-delà de
ce que le cogito lui a désormais assigné comme limite,
En
fait, l’être est si bien exclu de tout ce dont il peut s’agir, que pour
entrer dans cette explication, je pourrai dire qu’à reprendre une de mes
formules familières, celle de la Verwerfung, c’est bien de quelque
chose de cet ordre qu’il s’agit si quelque chose s’articule de nos jours
qui peut s’appeler la fin d’un humanisme qui ne date pas d’hier, ni
d’avant-hier, ni du moment où M. Foucault veut l’articuler, ni moi-même,
qui est chose faite depuis longtemps.
(p73->)
C’est
en ceci : que la dimension nous est ouverte qui nous permet de découvrir
comment joue, selon la formule que j’en ai donnée, cette Verwerfung, en rejet
de l’être. Ce qui est rejeté du symbolique, ce que j’ai dit dans mon
enseignement et qui reparaît dans le réel.
Si
quelque chose qui s’appelle l’être de l’homme, est en effet ce qui à
partir d’une certaine date, est rejeté, nous le voyons reparaître dans le réel,
sous une forme tout à fait pleine, l’être de l’homme pour autant qu’il
est fondamental dans notre anthropologie, il a un nom où le mot d’être se
retrouve dans son milieu, où il suffit de le mettre entre parenthèses, et pour
trouver ce nom et aussi bien ce qu’il désigne, il suffit de sortir de chez
soi, un jour à la campagne pour faire une promenade et traversant la route,
vous rencontrez un lieu de camping, ou plus exactement tout autour ce que vous
trouvez
le
cercle marquant d’une écume, ce que vous rencontrez, c’est cet être de
l’homme, qui reparaît dans le rée1, qui s’appelle 1e détritus.
Ce
n’est pas d’hier, nous savons que l’être de l’homme en tant que rejeté,
c’est là ce qui reparaît sous la forme de ces menus cercles de fer
tordus, autour des cercles habituels de campeurs où nous trouvons une certaine
accumulation, pour peu que nous soyions préhistoriens ou archéologues, nous
devons présumer que ce rejet de l’être doit avoir quelque chose qui n’est
pas apparu la première fois avec Descartes, avec les origines de la science,
mais peut-être qui a marqué chacun des franchissements essentiels qui ont
permis de constituer sous des formes périssables et toujours précaires les étapes
de l’humanité.
Je
n’ai pas besoin de réarticuler devant vous dans une langue que je ne pratique
pas, et qui le rendrait imprononçable, ce qu’on désigne comme signal, de
telle phase du développement technologique sous 1a forme de ces amoncellements
de coquillages qu’on trouve dans certaines zones de ce qui nous reste de
civilisation préhistorique.
Le
détritus est le point à retenir qui
représente,
pas seulement comme signal, comme que1que chose d’essentiel autour de quoi va
tourner pour nous ce qui va en être de ce que nous avons à interroger de cette
aliénation
L’aliénation
a une face patente, qui n’est pas que nous sommes 1’autre, ou que les autres
comme on le dit, en nous reprenant nous défigurant ou nous déforment. Le fait
de l’aliénation n’est pas que nous soyions repris, représentés dans
l’autre, mais il est essentiellement fondé, au contraire, sur le rejet de
l’Autre, pour autant que cet Autre est ce qui est venu à la place de cette
interrogation de l’être autour de quoi je fais tourner aujourd’hui
essentiellement, la limite, le franchissement du cogito.
Plût
au ciel, donc, que l’aliénation consistant en ce que nous nous trouvions au
lieu de l’Autre, à l’aise. Pour Descartes c’est ce qui lui permet
l’allégresse de sa démarche et dans les premières réglées
qui représentent son oeuvre (p74->) originelle, de jeunesse, celle dont le
manuscrit fut plus tard retrouvé et reste d’ailleurs toujours perdus dans les
papiers de Leibniz.
Le
sum ergo deus est, le prolongement du cogito ergo sum . L’opération
bien sûr, est avantageuse, qui laisse tout entière à la charge d’un autre
qui ne s’assure de rien d’autre que de l’instauration d’un être comme
étant l’être du je, un autre que le Dieu de la tradition judéo-chrétienne
faci1ite d’être celui qui s’est présenté lui-même d’être : je suis ce
que je suis. Est-ce assurément ce fondement fidéiste qui reste si profondément
ancré encore dans la pensée au niveau du XVIIème siècle, c’est celui-là,
qui précisément n’est pas tellement pour nous soutenable c’est de ce
qu’il soie rayé subjectivement et nous aliène réellement. C’est ce que
j’ai déjà illustré de cette : liberté ou la mort. Merveilleuse intimation
sans doute, qui, dans cette intimation ne refuserait, cet autre par excellence
qu’est la mort, moyennant quoi, je vous ai fait remarquer qu’il 1ui reste la
liberté de mourir.
Dans
des domaines, pour ce que déjà les stoïciens formulent dans le : et num
proper vitam, vivadi perdare causas, pour ne pas le perdre, est-ce que vous
allez perdre la vie ?
Les
choses ne se disent déjà ici assez clairement, mais pour nous, ce dont il
s’agit,
est
de savoir ce qui va en être dans ce : ou je ne pense pas, ou je ne suis pas. Je
veux dire : je, comme : ne suis pas.
Quel
va être le résu1tat, le résultat où nous n’avons pas le choix à partir du
moment où ce “je ” comme instauration de l’être a été choisi,
nous n’avons pas le choix. C’est”le je ne pense pas” vers quoi il
nous faut aller, car cette instauration du je, comme pur et uniquement fondement
de l’être, est précisément ce qui, dès lors, met un terme, j’entends un
point final à toute interrogation, à toute démarche qui ferait autre chose de
la pensée que ce que Freud a fait avec son temps, avec la science.
Das
Denken, écrit-il
dans la formulation sur le double principe de l’évènement psychique, ce
n’est rien d’autre qu’une formule, une formule d’essai, en quelque chute
de frayage qui est toujours à faire avec le moindre investissement psychique
qui nous permet d’interroger, de tracer aussi bien la voie par où nous avons
à trouver satisfaction de ce qui nous presse, de ce qui nous stimule par
quel-que démarche tracée dans le réel.
Ce
“je ne pense pas “ est essentiel, c’est là où nous avons à nous
questionner de ce qui en résulte de la perte résultant du choix. Je ne suis
pas, bien sûr, en lui-même, tel que nous l’avons tout à I’heure fondé,
à savoir comme essence
je,
lui-même, est-ce à ceci que se résume la perte de 1’aliénation ?
Certainement
pas, précisément, quelque chose apparaît qui est forme de négation, mais de
négation qui ne porte point sur l’être, mais sur le je lui-même, en tant
que fondé sur le “je ne suis pas”.
(p75->)
Connexe
au choix du “je pense pas” quelque chose surgit dont l’essence est
de n’être “ pas je” à la place même de l’ergo en tant qu’il
est à mettre à l’intersection du “je pense” au “je suis”,
qui se supporte comme être de cogitation, cet ergo, en cette place même,
apparaît qui se sustente de n’être pas je. Ce “pas je”, essentiel
à articuler, pour être ainsi dans son essence, c’est ce que Freud nous
apporte au niveau du second pas de sa pensée.
Là
est le plus grand danger d’erreur. A l’approche moi-même (dans le wo est
war…”) je n’ai pas pu bien faire sentir où gît 1’essence qui
constitue le ça, et qui rend si ridicule ce en quoi, me semble tomber
infailliblement, quiconque à ce sujet reste dans les sentiers psychologiques,
c’est-à-dire, en tant qu’il s’hérite de la tradition philosophique
antique, que de là, il fait quelque chose qui est, le “ ça “sera
toujours pour ceux-là, ce que tel imbécile m’a corné aux oreilles pendant
dix ans de voisinage : que le ça est un mauvais moi.
Il
ne saurat d’aucune façon être formulé quelque chose de semblable, et pour
le concevoir, il est important de s’apercevoir que ce “ça”, dans cette étrange
animalique positivité qu’il prend d’être le “ pas “ de ce je
qui, paraissant ce “je ne suis pas”, ce que cela peut vouloir dire,
de quel étrange complément peut-il s’agir dans ce “pas je” ?
Il
faut savoir l’articuler, le dire, qu’effectivement toutes nos délinéations
de ce dont i1 s’agit dont le ça nous l’articule, le ça, donc il s’agit,
n’est assure- ment bien sûr d’aucune façon la première personne, comme
c’est une véritable erreur, qui sera rejetée au rang du grotesque, il faut
bien le dire, quelque soit le respect que nous portions au nom de !’histoire
à son auteur, d’avoir été amené à produire que toute la psychologie de
Freud était une psychologie à première personne, et que tel de mes élèves,
au cours de ce petit rapport qui fait partie de l’opuscule que je vous ai
distribué la dernière fois, se soit cru obligé d’en repasser par là, pour
avoir un instant l’illusion que c’était même une voie par laquelle je vous
aurais mené à formuler comme il est bien forcé après avoir formulé le
contraire, est en soi-même une sorte de bluff ou d’escroquerie, car ceci
n’a rien à faite dans la question : le ça n’est ni la première, ni la
seconde personne, ni même la troisième, la troisième serait celle donc on
parle.
Nous
nous approchons un peu plus des énoncés tels que : “ ça brille”
“ça pleut”, “ça bouge “, mais c’est encore tomber dans
une erreur que de croire que ce “ça “, ce serait « ça » en
tant qu’il s’énonce soi-même.
Encore
quelque chose qui ne donne pas assez en relief le « ça » dont il
s’agit. Ca est ce qui, dans le discours, en tant que structure logique, est
tout ce qui n’est pas je, c’est-à-dire : tout le reste de la structure.
Quand
je dis ”structure”, structure logique, entendez-là : grammaticale.
Ce n’est pas rien que le support de ce
dont il s’agit dans la pulsion, c’est- à-dire, le fantasme, puisse
s’exprimer ainsi à “ un enfant est battu “ .
(p76->)
Aucun
commentaire, aucun méta-langage ne rendra compte de ce qui s’introduit au
monde dans une telle formule. Rien ne saurait le redoubler, ni l’expliquer. La
structure de la phrase : un enfant est battu, ne se commence pas, elle se
montre. Il n’y a aucune physis qui puisse rendre compte qu’un enfant soit
battu.
Il
peut y avoir dans la physis quelque chose qui nécessite qu’il se cogne, mais
qu’il soit battu, c’est autre chose, Et que ce fantasme soit quelque chose
de si essentiel dans le fonctionnement de 1a pulsion est quelque chose qui nous
fait simplement nous rappeler ce que de la pulsion j’ai démontré devant
vous, à propos de la pulsion scoptophylique, ou à propos de la pulsion
sado-masochiste, que c’est tracé, que c’est montage grammatical, dont les
inversions, les réversions, les complexifications ne s’ordonnent pas
autrement dans l’application de divers renversements, de négations partielles
et choisies, qu’il n’y a d’autre façon de faire fonctionner la relation
du “je” en tant qu’être au monde, qu’à en passer par cette
structure grammaticale qui n’est pas autre chose que l’essence du ça. Je ne
veux pas aujourd’hui, vous refaire cette leçon, j’ai un. champ suffisant à
parcourir pour qu’il faille que je me contente de marquer ce qui est
l’essence du “ça” en tant qu’il n’est pas je.
C’est,
le reste de la structure grammaticale et il n’est pas hasard, Freud remarque,
dans l’analyse d’un enfant est battu, jamais le sujet, le ich, le je,
qui pourtant y doit prendre place, pour nous dans la reconstruction que nous en
faisons, dans la Science des Rêves, que nous allons lui donner dans
l’interprétation nécessaire, à savoir : qu’à un moment que ce soit lui
qui soit le battu.
Dans
l’énoncé du fantasme, dit Freud, ce temps – et pour cause - n’est jamais
avoué, car le je, comme tel, est précisément exclu du fantasme.
Nous
ne pouvons rendre compte de ceci, qu’à marquer la ligne de division complémentaire,
le je qui parle, ce pur être qui est comme un refus de l’être avec ce qui
reste comme articulation de la pensée et qui est la structure grammaticale de
la phrase.
Ceci
ne prend sa portée et son intérêt que d’être rapproché de l’autre élément
de l’alternative, è savoir : de ce qui va y être perdu.
La
vérité de l’aliénation ne se montre que dans la partie perdue.
Si
vous suivez mon articulation de “je ne suis
pas”, il est important de saisir que
c’est bien là l’essentiel de ce dont i1 s’agit dans l’inconscient, car
tout ce qui, de l’inconscient relève
se caractérise dans ce que sans doute un seul disciple de Freud a su
maintenir comme un trait essentiel, à savoir : par la surprise, le fondement de
cette surprise tel qu’i1 apparaît au niveau de toute interprétation véritable,
n’est rien d’autre que cette dimension du “ je ne suis pas” et
elle est essentielle à préserver comme caractère révélateur dans cette phénoménologie.
(p77->)
C’est pour cela que le mot d’esprit est le plus révélateur et le plus
caractéristique des effets que j’ai appelé : les formations de
l’inconscient. Le rire dont il s’agit, se produit au niveau de ce
“je ne suis pas “. Prenez n’importe quel exemple, et pour prendre le
premier, celui : du familionnaire. N’est-il pas manifeste que l’effet de dérision
de ce que dit M. Hyacinthe quand il dit qu’avec Salomon de Rotschild il est
dans une relation tout à fait familionnaire, résonne de l’inexistence de la
position du riche pour autant qu’elle n’est que fiction. C’est ce quelque
chose, où celui qui parle, où le sujet se trouve dans cette inexistence même,
où il est réduit lui-même à une sorte d’être, pour qui il n’y a de
place nulle part, que réside l’effet de dérision de ce familionnaire.
C’est
là au contraire, le contraire de ce qui se passe quand nous définissons le ça..
Vous avez pu reconnaître dans cette référence à la structure grammaticale,
qu’il s’agit d’un effet de sens. Nous avons à faire à la Bedeutung,
c’est-à-dire, que là oh je ne suis pas, ce qui se passe, c’est quelque
chose que nous avons à repérer de la même sorte d’inversion qui nous a guidés
tout à 1’heure : le je, du je ne pense pas, s’inverse, s’aliène lui
aussi en quelque chose qui est un pense chose.
C’est
ceci qui donne son véritable sens à ce que Freud donne de l’inconscient :
qu’il est constitué par les représentations de choses.
Ce
n’est nu1lement un obstacle à ce que l’inconscient soit structuré comme un
langage, il ne s’agit pas de la chose indicible, mais de l’affaire
parfaite-ment articulée pour autant qu’elle prend le pas comme Bedetung
sur quoi que ce soit qui puisse l’ordonner pour désigner ce qu’il en est de
l’inconscient quant au registre de l’existence et de son rapport avec le je.
De
même, nous avons vu que le ça est une pensée mordue de quelque chose qui est,
non pas le retour de l’être, mais comme d’un désêtre, de même,
!’inexistence au niveau de l’inconscient est que1que chose qui est mordu
d’un je pense qui n’est pas “je”, et ce je pense qui
n’est
pas “je”, dont à pouvoir un instant le réunir avec le ça, je
l’ai indiqué comme un “ça parle”. C’est pourtant un
court-circuit et une erreur.
Le
modèle de l’inconscient c’est un “ça parle” sans doute, mais à
condition qu’on s’aperçoive bien qu’il ne s’agit de nul être, à
savoir : que l’inconscient n’a rien à faire avec ce que Platon en a su
conserver comme étant le niveau de l’enthousiasme. Il peut y avoir du Dieu
dans le “ça parle”, mais ce qui caractérise la fonction de
l’inconscient, c’est qu’il n’y en a pas. Si l’inconscient pour nous,
doit être certes, situé et défini, c’est pour autant que la poésie de
notre siècle n’a plus rien à faire avec celle qui fut la poésie d’un
Pindare.
(p78->)
Si l’inconscient a joué un rôle de référence telle, dans tout ce qui
s’est tracé d’une nouvelle poésie, c’est précisément dans cette
relation d’une pensée qui n’est rien que de n’être pas le “je” du
“je ne pense pas “ pour autant qu’elle vient mordre sur le champ du
je en tant que je “ne suis pas”.
Si
des deux cercles que nous venons d’adopter comme représentant
les deux termes,
un seul arrive à l’accès dans leur aire de l’aliénation, si ces deux
termes ne s’opposent comme constituant des rapports différents du “je”
dans la pensée de l’existence, c’est pour qu’à regarder de plus près,
les cercles où ceci vient se cerner, vous voyez que dans un temps ultérieur
s’achève cette opération en un 4ème terme, terme quadrique. Que ce
“ je ne pense pas “, appelé non à se conjoindre non pas au “ je
ne suis pas”, mais en quelque sorte à ce qu’ils s’éclipsent,
s’occultent l’un l’autre en se recouvrant, c’est à la place du “je
ne suis pas que le ça » va venir, bien entendu, le positivant en un “je
suis ça”.
Il
n’est que de pur impératif, d’un impératif qui est celui que Freud a
formulé dans le “wo es war, sol ich werden”, Si ce vo es war
est quelque chose, il est ce que nous avons dit tout à l’heure.
Si
ich “seul doit y verdir “, c’est qu’il n’y est pas. Ce n’est
pas pour rien que j’ai rappelé tout à l’heure le caractère exemplaire
du sado-masochisme, Il est sûr que l’année ne se passera pas sans que nous
ayions à interroger de plus près ce qu’il en est de ce rapport du “je”
comme essentiel de la structure du masochisme.
Je
rappelle simplement le rapprochement que j’ai fait de l’idéologie sadienne
avec l’impératif de Kant.
Ce
soll ich werden peut être aussi impraticable que le devoir kantien. C’est
pour autant que c’est que je n’y sois pas que le je est appelé, non pas
comme on l’a écrit, qu’au moins ici, sa référence nous serve à déloger
le ça, mais à s’y loger, et si vous me permettez cette équivoque, à se
loger dans sa logique.
Inversement
ce qui peut arriver aussi, c’est que le passage d’où un cercle est en
quelque sorte occulté, éclipsé par l’autre, et se produise en sens inverse,
c’est que l’inconscient en son essence poétique et de Bedeutung,
vienne à la place de ce « je ne pense pas » et ce qu’il nous révèle,
c’est justement ce qui, dans la Bedeutung de l’inconscient est frappé
de je sais quelle caducité dans 1a pensée, de même que dans 1e premier titre
d’occultation, ce que nous avons c’est à la place du “je ne suis pas
“, la révélation de quelque chose qui est 1a vérité de la structure,
Nous verrons quel est ce f’acteur, nous verrons que c’est l’objet « a
».
(p79->)
De
même, dans l’autre forme d’occultation, de défaut de la pensée, ce trou
dans la Bedeutung, ceci à quoi nous n’avons pu accéder qu’après le
chemin entièrement tracé par Freud du procès de l’aliénation, son sens, sa
révélation, de l’incapacité de toute Bedeutung à couvrir ce qu’il
en est du sexe.
L’essence
de la castration, c’est ce qui, dans cet autre rapport d’occultation et d’éclipse,
se manifeste en ceci : que la différence sexuelle ne se supporte que de la
Bedeutung de quelque chose qui manque sous l’aspect du phallus.
Je
vous aurais aujourd’hui, donné le tracé, l’appareil, autour de quoi nous
allons pouvoir reposer un certain nombre de questions, puissiez-vous avoir
entrevu le pas privilégié qui joue comme opérateur de 1’objet “a”,
seul élément resté encore caché dans l’explication aujourd’hui.
note
:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un
émail.
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