Le cadre de ce travail s'inscrit dans l'orientation mathématisable de la psychanalyse. Ceci a à voir avec la dimension réelle de la mathématique. Il nécessite une description minimale de son élaboration chronologique.
Une première lecture des Écrits de LACAN [Lac66a] et des séminaires a été faite en surlignant ce qui, à l'époque, me paraissait important. La deuxième lecture une dizaine d'années plus tard, s'est limitée aux phrases surlignées à la première lecture. Il a alors été évident que ce qui avait été surligné avait perdu de son sens, hors du contexte de l'ensemble.
Suite à l'échec de cette relecture, surgit une interrogation sur cette transformation. En effet comment une phrase qui m'avait semblé alors intéressante avait-elle perdu de son pouvoir de vérité touchante? Il devenait nécessaire de chercher ce qu'avaient de commun les phrases sélectionnées à la première lecture. Cette première lecture était du registre imaginaire. En effet, ces phrases qui alors avaient flatté mon imagination m'avaient fait m'imaginer comprendre dans une temporalité différente de celle de la deuxième lecture.
Il y a également un autre élément qui a à la fois alimenté la passion du soulignage et la déception ultérieure de son échec. Cette période de soulignage des textes a été concomitante de ma présence parmi les auditeurs de LACAN à la Faculté de droit de la place du Panthéon et à la chapelle de l'hôpital Ste-Anne. La considérable variation dans son énonciation, sa dynamique ont forcé des passes signifiantes. Ceci a renforcé cette impression de comprendre lors de la lecture des textes. Alors que très probablement les phrases marquées par l'insistance énonciative avaient plus à voir avec l'ordre symbolique qu'avec l'ordre imaginaire. Les phrases soulignées venaient en quelque sorte comme des illustrations, des exemples imaginaires des assertions symboliques martelées. L'erreur avait consisté à souligner des illustrations. C'est un peu comme souligner et ne retenir que les exemples dans un manuel de mathématiques. S'il y a bien quelques choses à souligner dans un ouvrage de mathématiques, ce sont les théorèmes. Un exemple est mis là pour aider à intégrer un théorème; l'inverse n'est pas vrai.
Ainsi cette première lecture, soumise à la dimension imaginaire, comme une vibration entre le lecteur et le texte, une traversée d'un fantasme, ne pouvait résister au temps.
Enseigné par la théorie lacanienne de l'orientation mathématisable de l'inconscient, la lecture se transforma en recherche de l'appréhension du réel à travers l'acte de lire par un repérage de signifiants, de phrases, de mathèmes qu'il s'agissait de lier en réduisant la fonction imaginaire de la lecture à un minimum. Les éléments surlignés devenaient ainsi contraints par l'ordre symbolique.
L'acte de surligner des phrases se voulait déterminant de relations entre des termes. Il fallut les retranscrire en les isolant sous formes d'assertions individuelles, les menant ainsi à la forme syntaxique simple d'énoncés mathématiques en langue française et non seulement en petites lettres, comme c'est le plus souvent le cas dans les ouvrages mathématiques.
On pourrait assimiler ce travail de lecture à double tour au chemin que parcourt le sujet dans le mouvement mœbien du signifiant dans le processus de la cure.
Il s'agit là, certes d'une lecture singulière et non pas d'un recueil de citations. Pour élaborer une phrase, des éléments situés à plusieurs lignes de distance ont été reliés, essayant ainsi de produire des propositions. D'autres fois, des assertions qui paraissaient trop difficiles à isoler de leur contexte n'ont pas été retenues.
Quelques points sont importants à noter qui découlent du fait que, contrairement aux textes écrits il s'agit de séminaires parlés et donc transcrits.
Jacques B. Siboni 2024-11-08