J.LACAN
en cours
gaogoa
XVI- D'un
Autre à l'autre
note
Mercredi 4 décembre
1968
(p92->) Mr
LACAN.- Entrons dans le vif parce que nous sommes en retard et reprenons en
rappelant sur quoi, en somme, se
centrait le dernier propos : sur l’Autre en somme, sur ce que j’appelle
« le grand autre » ; j’ai terminé en promouvant certains schémas,
avertissant je pense assez qu’ils n’étaient pas à prendre uniquement sur
leur aspect plus ou moins fascinant, mais à reporter à une articulation
logique, celle proprement qui se compose de ce rapport d’un signifiant à un
autre signifiant que j’ai essayé d’articuler pour en tirer les conséquences
en partant de la fonction élaborée dans la théorie des ensembles de paires
ordonnées.
Du moins est-ce sur le fondement logique que
j’ai essayé la dernière fois de vous faire sentir ce quelque chose qui a une
pointe, une pointe autour de quoi tourne l’intérêt, l’intérêt pour tous
j’espère, qu’il y a à ce que ceci s’articule bien, que l’Autre, ce
grand Autre dans sa fonction telle (p
93->) que je l’ai déjà approchée, n’enferme nul savoir dont il
se puis présumer, disons, qu’il soit un jour absolu.
Voyez-vous, là je pointe les choses
vers le futur, alors que d’ordinaire j’articule vers le passé que cette référence
à l’autre est le support erroné du savoir comme déjà là (…).
Alors , ici je pointe , parce que
tout à l’heure nous allons avoir à y revenir, je pointe l’usage que j’ai
fait de la fonction de paire ordonnée parce que j’ai eu, mon Dieu, quelque
chose qui peut s’appeler le « bonheur », de recevoir d’une main
que je regrette anonyme, un petit poulet me posant la question : de
m’expliquer un peu plus sur l’usage qui, sans doute, à l’auteur de ce
billet semble un peu précipité, sinon abusif, il ne va peut-être même
pas jusque-là, précipité disons, de la paire ordonnée.
Je ne vais pas commencer par là, mais
je prends date pour dire que tout à l’heure j’y reviendrai
Que l’Autre
soit ici mis en question, voilà qui importe extrêmement à la suite de notre
discours.
Il n’y a dans cet énoncé, disons-le
d’abord, cet énoncé que l’Autre n’enferme nul savoir qui soit ni déjà
là, ni à venir, dans un statut d’absolu, il n’y a dans cet énoncé rien
de subversif.
J’ai lu quelque chose récemment quelque
part, en un point idéal qui d’ailleurs restera dans son coin, si (p94->)
je puis dire, le terme de « subversion du savoir ». Ce terme de
« subversion du savoir » était là avant , mon Dieu,
avancé plus ou moins sous mon patronage ; je le regrette car à la
vérité, je n’ai absolument rien avancé de tel et de tels glissements ne
pouvant être considérés que comme
très regrettables et rentrer dans cette sorte d’usage de pacotille qu’on
pourrait faire de morceaux même pas bien détachés de mon discours, de
revissage de termes que mon discours précisément n’a jamais songé à
rapprocher pour les faire fonctionner sur le marché qui ne serait pas du tout
heureux s’il prenait la tournure de faire usage de colonisation universitaire.
Pourquoi le savoir serait-il
subversible ( ?) de ne pouvoir être absolu ? Quand cette prétention
où qu’elle se montre, où
qu’elle se soit montrée, il faut le dire, a toujours été risible. Risible,
justement nous sommes là à un niveau du vif de notre sujet, je veux dire que
ce redépart pris dans le mot d’esprit pour autant qu’il provoque le rire,
il provoque le rire justement en somme en tant qu’il est proprement accroché
sur la faille inhérente au savoir.
Si vous me permettez une petite
parenthèse, j’évoquerai le premier chapitre de la troisième partie du
« Capital », « La production de la Plus-Value », le
chapitre V sur « Le Travail et sa Mise en Valeur » :
c’est là je crois que se trouve en quelques pages quelque chose
qu’il faut bien le dire, je
n’ai pas attendu les récentes recherches sur le structuralisme (p95->)
de Marx pour le repérer, je veux dire que ce vieux volume que vous voyez là
plus ou moins se détacher en morceau, je me souviens du temps où je le lisais
dans ce qui était mon véhicule d’alors quand j’avais une vingtaine d’année,
à savoir le métro quand je me rendais à l’hôpital, et alors là il y a
quelque chose qui m’avait retenu et frappé :
C’est à savoir comment Marx, au
moment que cette plus- value il l’introduit, il introduit un peu plus, un peu
plus-value, il ne l’introduisais pas mais il l’introduit et il l’introduit
après un temps pris, un temps pris comme ça, l’air bonhomme, où il laisse
la parole de l’intéressé, c’est-à-dire au capitaliste. Il lui laisse en
quelque sorte justifier sa position par ce qui est alors le thème, le service
en quelque sorte rendu de mettre à la disposition de cet homme qui n’a mon
Dieu, que son travail, tout au plus un instrument rudimentaire, sa varlope, le
tour et la fraiseuse, grâce à quoi il va pouvoir faire des merveilles, échange
de bons services et même loyaux, tout un discours que Marx laisse dans son
temps pour se développer, et ce qu’il signale, ce qui m’avait frappé
alors, au temps de ces bonnes premières lectures, c’est qu’il pointe là
que le capitaliste , personnage fantômal auquel il s’affronte, le capitaliste
rit.
C’est là un trait qui semble
superflu, il me paraît pourtant, il m’a paru dès lors, que ce rire
proprement se rapporte à, à ce qu’à ce moment-là Marx dévoile, à
savoir ce qu’il en est de l’essence de cette plus value ; « Son
bon apô-(p96->)tre », lui dit-il,
« cause toujours, service comme tu l’entends si tu veux, cette mise à
la disposition de celui qui peu travailler du moyen que tu te trouves détenir,
mais ce dont il s’agit, c’est que ce travail que tu vas payer pour ce
qu’il fabrique avec ce tour et sa fraiseuse, tu ne lui paiera pas plus cher
que ce qu’il ferait avec sa varlope – que j’ai évoqué tout à l’heure
– c’est-à-dire qu’il s’assurerait par ce moyen de sa varlope à savoir
de sa subsistance.."
Cette mise en relief au passage et bien sûr non notée de la conjonction
du rire avec ce rapport, ce rapport qui est là un plaidoyer qui n’a l’aire
de rien que du discours le plus honnête, ce rapport avec cette fonction
radicalement éludée, dont déjà dans notre discours j’ai suffisamment
indiqué le rapport propre avec cette élision caractéristique en tant
qu’elle constitue proprement l’objet « a ».
C’est là toujours, je le dis de
n’avoir pu au temps ou je commençais sur le mot d’esprit de construire le
graphe, c’est là le rapport foncier autour de quoi tourne toujours, sursaute
le choc, l’un peu plus, l’un peu moins dont je parlais
tout à l’heure , le tour de passe -passe, le
« passez muscade » qui vous saisit au ventre dans l’effet
du mot d’esprit.
En somme la fonction radicale,
essentielle, de la relation qui se cache dans un certain rapport de la
production au travail, est bien comme vous le voyez là comme ailleurs en un
autre point plus profond qui est celui ou j’espère vous mener autour du plus
de jouir ; il y a quelque (p97->)
chose comme d’un gag foncier qui tient à proprement parler à ce joint
où nous avons à enfoncer notre coin quand il s’agit de ces rapports qui
jouent dans l’expérience de l’inconscient dans sa fonction la plus générale.
Ce n’est pas sans dire et la encore
je veux reprendre quelque chose qui pourrait servir à des formules scabreuses,
ce n’est pas dire qu’il puisse d’aucune façon y avoir théorie de
l’inconscient de par là même, faites-moi confiance , que ce n’est
rien de tel à quoi je vise.
Qu’il y ait théorie de la pratique
psychanalytique assurément, de l’inconscient non, sauf à vouloir faire
verser ce qu’il en est de cette théorie de la pratique psychanalytique qui
quoi de l’inconscient nous donne ce qui peut être pris dans le champ de cette
pratique, mais rien d’autre.
Parler de la théorie de
l’inconscient, c’est vraiment ouvrir la porte à cette sorte de déviation
boufonne que j’espère barrer qui est celle qui s’est étalée déjà de
longues années sous le terme de « psychanalyse appliquée », qui a
permis toute sorte d’abus, de l’appliquer précisément à quoi ? Aux
beaux-arts notamment.
Bref, je ne veux pas insister plus vers cette
forme e bascule ou de déversement sur le bord de la route analytique, celle qui
aboutit à un trou que je trouve déshonorant.
Reprenons.
L’Autre ne donne que l’étoffe du sujet,
soit sa to-(p98->)pologie, ou ce par quoi le
sujet introduit une subversion certes, et qui
n’est pas seulement la sienne au sens ou je l’ai épinglé quand j’ai parlé
de subversion du sujet par rapport à ce qu’en on énoncé jusqu’alors,
Telle est bien ce que veut dire cette articulation dans le titre où je l’ai
mis, mais la subversion dont il s’agit c’est celle
que le sujet certes introduit, mais dont se sert le réel, qui dans cette
perspective, se définit comme l’impossible.
Or, il n’y a
pas de sujet au point précis ou il
nous intéresse , il n’y a de sujet que d’un dire. Si je pose ces deux références,
celle au réel et celle au dire, c’est bien pour marquer que c’est là que
vous pouvez vaciller encore et poser la question par exemple, si ce n’est pas
là de toujours ce qui s’est imaginé du sujet ; c’est bien aussi là
qu’il vous faut saisir ce que le terme de « sujet » énonce pour
autant que de ce dire il est l’effet, la dépendance ; il n’y a sujet
que d’un dire, c’est là ce que nous avons à serrer correctement
pour n’en point détacher le sujet.
Dire d’autre part, que le réel
c’est l’impossible, c’est aussi énoncer que c’est seulement ce serrage
le plus extrême du dire en tant que c’est le possible qu’il introduit et
non simplement qu’il énonce.
La faille reste sans aucun doute pour
certaines, que ce sujet serait alors
en quelque sorte, sujet volant de ce discours, qu’il ne serait là que déploiement,
chancre croissant (p99->) au milieu du monde où
se ferait cette jonction qui, ce sujet tout de même, le fait vivant.
Ce n’est pas n’importe quoi dans
les choses qui fait sujet ; c’est là qu’il importe de reprendre les
choses au point où nous ne versions pas dans la confusion au niveau de ce que
nous disons, celle qui permettrait de restaurer ce sujet comme sujet pensant,
quelque pathos que ce soit du signifiant, j’entends de par le signifiant, ne
fait pas sujet de lui-même à ce pathos.
Ce que définit ce pathos c’est dans
chaque cas, tut simplement ce qu’on appelle un « fait » et c’est
là que se situe l’écart où nous avons à interroger ce que produit notre
expérience, quelque chose d’autre et qui va bien plus loin que l’être qui
parle en tant que c’est l’homme dont il s’agit.
L’effet du signifiant, plus d’une
chose en est passible, tout ce qui est au monde qui ne devient proprement fait
qu’à ce que le signifiant s’en articule ; ni oncques, jamais, vient
quelque sujet qu’à ce que le
fait soit dit.
Entre ces deux frontières, c’est là que nous avons à travailler. Ce
qui, du fait, ne peut se dire est désigné,
mais dans le dire, par son manque, et c’est
cela la vérité.
C’est pourquoi
la vérité toujours s’insinue, mais peut s’inscrire aussi de façon
parfaitement calculée là où seulement elle a sa place entre les lignes, sa
substance, à la vérité est justement ce qui
pâtit du signifiant. Cela va loin.
(p100->) Ce qui en pâtit de sa nature,
disons quand je dit que cela va loin, cela va justement fort loin dans la
nature.
Longtemps on sembla accepter ce qu’on
appelait « l’esprit ». C’est une idée qui a passé un tant soit
peu, rien ne passe jamais tant qu’on le crois d’ailleurs, enfin elle a passé
de ce qu’il s’avère qu’il ne s’agit sous ce nom d’ »esprit »
jamais que du signifiant lui-même, ce qui évidemment met en porte-à-faux pas
mal de la métaphysique sur les rapports de notre effort avec la métaphysique,
sur ce qu’il en est d’un mise en question qui tend à n’en pas perdre tout
bénéfice de son expérience à la métaphysique, que ce qui en reste quelque
chose, savoir en ceci, qui est bien dans un certain nombre de points, de zones
plus variées ou plus fournies qu’on ne le dirait au premier abord et de
qualités fort diverses.
Il s’agit de savoir ce qu’on appelle « structuralisme »
à opérer.
La question est soulevée dans un recueil qui
vient de paraître, j’en ai eu les prémices, je ne sais s’il est encore en
circulation : « Qu’est-ce que le structuralisme ? » par
notre ami François Wahl. Je vous conseil de ne pas le manquer, il met un
certain nombre de questions au point.
Et assurément, c’est dire qu’il est assez important de marquer notre
distinction de la métaphysique. A la vérité, avant de la marquer, il n’est
pas inutile d’énoncer (p101->) qu’il ne
faut pas trop en croire de ce qui s’affiche comme désillusion.
La désillusion de l’esprit n’est pas
complet triomphe. Si elle soutient ailleurs, la superstition qui désignerait
dans une idéalité de la matière cette substance même impossible qu’on
mettrait d’abord dans l’esprit, nous l’appelons « superstition »
parce qu’après tout on peu bien faire sa généalogie.
Il y a une tradition, la tradition juive, curieusement, où l’on peut
bien mettre en relief ce qu’une certaine transcendance de la matière peut
devoir, et ce qui s’énonce dans les Écritures singulièrement inaperçu, bien
entendu, mais tout à fait en clair concernant la Corporalité de Dieu.
C’est des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas aujourd’hui nous
étendre, c’était un chapitre de mon séminaire sur
les Nom du Père, sur lequel j’ai fait une croix, c’est le cas de la
dire…
Mais enfin, cette superstition dite « matérialiste », on a
beau ajouter « vulgaire », cela ne change rien du tout, elle mérite
la cote d’amour dont elle bénéficie auprès de tous pour ce qu’elle est
bien ce qu’il y a de plus tolérant jusqu’à présent à la pensée
scientifique, mais il ne faut pas croire que cela durera toujours. Il suffirait
que la pensé scientifique donne un peu à souffrir de ce côté-là, si ce
n’est point (p102->) impensable, pour que
cela ne dure pas, la tolérance en question.
Susceptibilité qu’on évoque déjà vers mon Dieu des remarques comme
celles que je fis un jour devant un honorable membre de l’Académie des
Sciences de l’U.R.S.S, que « cosmonaute » ma paraissait une
mauvaise dénomination, parce qu’à la vérité rien ne ma paraissait moins
cosmique que le trajet qui était son support, espèce de trouble, d’agitation
pour un propos, mon Dieu, si gratuit, la résistance à proprement inconsidérée,
qu’il n’est pas sur, après tout c’est tout ce que je voulais dire, que
quoique ce soit que vous l’appeliez, Dieu au sens de l’Autre, ou la Nature,
ce n’est pas la même chose, mais c’est bien à un de ces deux côtés
qu’il faudrait réserver, attribuer une connaissance préalable de la loi
newtonienne, pour qu’on pût à proprement parler, parler de
« cosmos » et de « cosmonaute ».
C’est là qu’on sent ce qui continue de
s’abriter d’ontologie métaphysique, même dans les lieux les plus
inattendus.
Ce qui nous importe est ceci : qui
justifie la règle dont s’instaure la pratique psychanalytique, tout bêtement
celle dite d’ « association libre » - « libre » ne
veut rien dire d’autre que congédiant le sujet, congédier le sujet c’est
une opération mais une opération qui n’est pas obligatoirement réussie, il
ne suffit pas toujours de donner congé à qui-(p103->)conque
pour qu’il s’en aille – ce qui justifie cette règle, c’est que la vérité
précisément ne se dit pas par un sujet, mais se souffre, épinglons là
quelque chose de ce que nous appellerons l’ « infatuation phénoménologique ».
J’ai déjà relevé un de ces menus monuments qui s’étalent dans un
champ où les énoncés prennent volontiers patente de l’ignorance ;
« Essence de la Manifestation », tel est le titre d’un livre
combien bien accueilli dans le champ universitaire, dont après tout je n’ai
point de raison de dire l’auteur puisque je suis en train de la qualifier de
« fat », essence de sa manifestation à lui, en tout cas, à ce
titre que la puissance avec laquelle à telle page est articulé que :
quelque chose nous est donné comme certitude, c’est que la souffrance, elle,
n’est rien d’autre que la souffrance, et en effet, cela vous fait quelque
chose toujours quand on vous dit cela, il suffit d’avoir eu un mal de dent et
de n’avoir jamais lu Freud pour trouver cela convaincant.
Voilà après tout en quoi on peut penser incidemment, mais là vraiment
je crois que je sui moi-aussi un peu traditionnel, en quoi on peut rendre grâce
à de tels pas de clercs, c’est la cas de le dire, de les appeler comme cela,
de promouvoir si on peut le dire, l’à ne pas dire, pour qu’on puisse bien
marquer la différence de ce qu’il y a à dire vraiment.
C’est un petit peu de trop de justification
donnée à l’erreur et c’est bien pourquoi je signale au passage qu’à (p104->)
dire ceci je n’y adhère pas entièrement. Mais
pour cela, mon Dieu, il faudrait que je rétablisse ce dont il s’agit
dans une apologie des sophistes et Dieu sait que cela nous entraînerait.
Quoi qu’il en soit la différence est ceci :
Si ce que nous faisons, nous analystes
opère, c’est justement de ceci que la souffrance n’est pas la souffrance et
que pour dire ce qu’il faut dire, il faut dire ; « la souffrance
est un fait ». Ca à l’air de dire presque pareil, mais ce n’est pas
du tout pareil, tout au moins si vous avez bien entendu ce que je vous ai dit
tout à l’heure de ce que c’est un fait.
Plutôt soyons plus modeste : il y a
de la souffrance qui est fait, c’est-à-dire qui recèle un dire ;
c’est par cette ambiguité que se réfute qu’elle soit indépassable en sa
manifestation que la souffrance veut être un symptôme, ce qui veut dire
« vérité ».
Je fais dire à la souffrance, comme j’ai fait dire à la vérité,
dans une première approche il faut tempérer les effets du discours, je leur ai
fait dire quoiqu’en des termes pour l’une ou pour l’autre modulés, pas du
même ton, je parle, je l’évoque pour y être récemment revenu.
Tâchons dans notre avance d’âtre plus
rigoureux.
La souffrance à son langage et c’est bien
malheureux que n’importe qui puisse le dire sans savoir ce qu’il dit, (p105->)
mais enfin c’est précisément l’inconvénient de tout discours, c’est
qu’à partir du moment où il s’énonce rigoureusement, comme le vrai
discours est un discours sans paroles, comme je l’ai écrit cette année en
frontispice, n’importe qui peu le répéter après que vous l’ayez tenu,
cela n’a pas plus de conséquences.
Voilà un des côtés scabreux de la situation.
Laissons donc de côté la souffrance et pour
la vérité précisons ce que nous allons avoir dans la suite à focaliser.
La vérité, elle, parle essentiellement,
elle parle « je » et vous voyez là définis deux champs limites :
celui ou le sujet ne se repère que d’être effet du signifiant, celui
ou il y a pathos du signifiant sans aucun arrimage encore fait dans notre
discours au sujet, le champ du fait, et puis ce qui enfin nous intéresse et qui
n’a même pas été effleuré ailleurs que sur le Sinaï, à savoir, ce qui
parle « je ».
« Sur le Sinaï », je m’excuse,
il vient de me sortir d’entre les jambes, je ne voulais pas me ruer sur le
Sinaï mais puisqu’il vient de sortir il faut bien que je justifie pourquoi.
Il y a un bout de temps et tout autour de
cette petite faille de mon discours qui s’appelait « le Nom du Père »
et qui reste béante, j’avais commencé d’interroger la traduction d’un
certain –je ne prononce pas bien l’hébreu- « ésé », je crois
que cela (p106->) se prononce « ege
archer ege » ( ?), ce que les métaphysiciens, les penseurs grecs ont
traduit « je suis celui qui est », bien sûr, il leur fallait de
l’être.
Seulement, cela ne veut pas dire cela.
Il y a des moyens termes, je parle des gens
qui disent : « je suis celui qui suis, cela ne veut rien dire, cela a
la bénédiction romaine »
J’ai fait observe je croyais qu’il fallait entendre « Je suis
ce que je suis ». En effet, cela a tout au moins une valeur de coup de
poing dans la figure, « vous me demandez mon nom, je réponds « je
suis ce que je suis et allez vous faire foutre » ; c’est bien
ce que fait le peuple juif depuis ce temps.
Puisque le Sinaï m’est là sorti à propos de la vérité qui parle
« je », le Sinaï, mais j’ai pensé à la question, je ne croyais
pas vous en parler aujourd’hui, mais enfin puisque c’est fait allons-y, je
crois qu’il faut traduire : « je suis ce que je est »
C’est pour cela que le Sinaï m’est ressorti comme cela, c’est pour
vous illustrer ce que j’entends interroger autour de ce qu’il en est du
« je », en tant que la vérité parle « je ».
Naturellement, le bruit se répandrait dans
le Paris des petits cafés où se tiennent les « pia-pia-pia » comme
Pascal j’ai fait le choix du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, que les
(p107->) (âmes ?) de quelque côté
qu’elles soient portées à accueilli cette nouvelle, remettent leurs
mouvements dans le tiroir, la vérité parle « je », mais la réciproque
n’est pas vraie, tout ce qui parle « je » n’est pas la vérité,
ou irions-nous sans cela ?
Ceci ne veut pas dire que ces propos soient là complètement superflus
parce qu’entendez-bien qu’en mettant en question la fonction de l’Autre et
sur le principe de sa topologie même, ce que j’ébranle ce n’est pas une
trop grande prétention, c’est vraiment la question à l’ordre du jour,
c’est proprement ce que Pascal appelait « le Dieu des Philosophes »
Or, cela, le mettre en question, ce n’est pas rien parce que tout de même,
jusqu’à présent il a la vie dure et sus le code où tout à l’heure j’y
ai fait allusion, il reste tout de même bine présent à un tas de modes de
transmission de ce savoir que je vous dis qu’il n’est pas du tout subverti,
même et bien plus encore, à mettre en question cet Autre censé pouvoir le
totaliser. C’était le sens de ce que j’ai apporté la dernière fois.
Par contre, qu’il ait dit vrai ou n on, l’autre Dieu dont il faut
rendre hommage à notre Pascal que d’avoir vu qu’il
n’a rien à faire avec l’autre, celui qui dit « je suis ce que
je est », que cela se soit dit a eu quelques conséquences, et je ne vois
pas pourquoi, même sans y (p108->)
voir la moindre chance de vérité, nous ne nous éclairions pas de
certaines de ces conséquences pour savoir ce qu’il en est de la vérité en
tant qu’elle parle « je ».
Une petite chose intéressante : par exemple, c’est de nous
apercevoir que puisque la vérité parle « je » et que la réponse
s’y donne dans notre interprétation, pour nous psychanalyste, c’est une
occasion de noter, quelque chose dont j’ai déjà parlé en son temps sous le
titre « Du Désir et son Interprétation » : j’ai fait
remarquer qu’à poser ainsi
autour du « je » la question, nous devons, ne fut-ce que pour en
prendre avertissement, voir ombrage, nous apercevoir que dès lors, l’interprétation
doit être lieux cernés, puisque le prophétisme, cela n’est rien d’autre ;
pour parler « je » dans un certain sillage qui n’est pas celui de
notre souffrance c’est aussi de l’interprétation.
Le sort de l’Autre est donc suspendu, je ne dirai pas à la question,
je ne dirai pas à ma question, à la question que pose l’expérience
psychanalytique.
Le drame est que quel que
soit le sort que lui réserve cette mise en question, ce que la même expérience
démontre, c’est que c’est de son désir de l’Autre que je suis, dans les
deux sens merveilleusement homonymiques en français de ces deux mots, que je
suis la trace.
C’est d’ailleurs précisément en cela qu’au sort de l’Autre je
suis intéressé.
(p109->)
Alors, il nous reste un quart d’heure et le petit mot que j’ai reçu
s’énonce ainsi :
« Mercredi dernier vous avez mis en
rapport sans préciser « la paire ordonnée et un signifiant représente
le sujet « pour un autre
signifiant ».
C’est tout à fait vrai. C’est pour cela
que sans doute mon correspondant à mis dessous une barre et au-dessous de la
barre, « pourquoi ? » avec
un point d’interrogation ? En dessous de « pourquoi ? »
une autre barre, puis marqué par deux gros points ou plus exactement un petit
cercle rempli de noir :
« Quand la paire ordonnée est
introduite en mathématique, il faut un coup de force pour la créer ».
A ceci , je reconnais que la personne qui
m’a envoyé ce papier sait ce qu’elle dit, c’est-à-dire qu’elle a au
moins du nombre, qui est probablement plus encore, l’instruction mathématique.
C’est tout à fait vrai, on commence par articuler la fonction
de ce que c’est qu’un ensemble et si on n’y introduit pas en effet
la fonction de la paire ordonnée par cette sorte de coup de force qu’on
appelle en logique un « axiome », il n’y a rien de plus à en
faire que ce que vous avez d’abord défini comme ensemble.
« Entre parenthèse ajoute-on soit direct, soit indirect,
l’ensemble a deux éléments »
« Le résultat de ce coup de force est de créer un (p110->)
signifiant qui remplace la coexistence de deux signifiants »
C’est tout à fait exact.
Deuxième remarque :
« La paire ordonnée détermine ces
deux composants, « tandis que dans la formule un signifiant représente le
sujet pour un autre signifiant, il serait étonnant qu’un sujet détermine
deux signifiants. »
Je n’ai plus qu’un quart d’heure et pourtant j’espère avoir le
temps d’éclairer comme il faut car ce n’est pas difficile, ce que j’ai énoncé
la dernière fois ce qui prouve que je ne l’ai pas suffisamment bien énoncé
puisque quelqu’un, en ces termes, comme vous le voyez, des plus sérieux,
m’interroge.
Je vais donc écrire au tableau :
A aucun moment je n’ai subsumé dans un
sujet la coexistence de deux signifiants. Si j’introduis la paire ordonnées
qui comme le sait sûrement mon interlocuteur, s’écrit par exemple
ainsi, S1, S2
(pour la démonstration se reporter à la page annexe) (1), ces deux signes se
trouvent par un bon hasard être
les deux morceaux de mon poinçon quand ils se rejoignent, ces deux signes ne
servant dans l’occasion qu’à très précisément écrire que ceci est une
paire ordonnée.
La traduction sous forme d’ensemble, je
veux dire articulé dans le sens du bénéfice qu’on attend du coup de force,
c’est de traduire ceci dans un ensemble dont les deux éléments et les élé-(p111->)ments
dans un ensemble étant toujours eux-même ensemble, vous voyez se répéter le
signe de la parenthèse (2) : S1 , deuxième élément
de cet ensemble S1, S2 , une paire ordonnée est un ensemble qui a deux éléments,
un ensemble formé du premier élément de la paire et un second ensemble, ce
sont donc l’un et l’autre des sous-ensembles formés des deux éléments de
la paire ordonnée.
Loin que le sujet ici d’aucune façon subsume les deux signifiants en
question, vous voyez, je suppose, combien il est aisé de dire que le S1 ici ne cesse de représenter le sujet comme ma définition,
« le signifiant représente un sujet pour un autre signifiant »
l’articule, cependant que le second sous-ensemble présentifie ce que mon
correspondant appelle « coexistence », c’est-à-dire dans sa forme
la plus large, cette forme de relation qu’on peut appeler « savoir ».
La question que je pose à ce propos est sous
sa forme la plus radicale, si un savoir est concevable qui réunisse cette
conjonction des deux sous-ensembles en un seul, d’une façon telle qu’elle
puisse être sous le nom de « A » du grand Autre identique à la
conjonction telle qu’elle est ici articulée en un savoir des deux signifiants
en question.
C’est pourquoi après avoir épinglé du
signifiant « A » un ensemble fait S que je n’ai plus besoin de
mettre O1 , puisque j’ai substitué S1 S2, A, j’ai interrogé ce
qu’il s’en suivait de la topologie de l’Autre et c’est à cette suite
que je vous ai montré d’une façon
(p112->) certes trop figurée pour être
logiquement pleinement satisfaisante, mais dont la nécessité de figure
me permettait de vous dire que
cette suite de cercles s’involuant d’une façon dissymétrique, c’est-à-dire
maintenant toujours à la mesure de leur plus grande apparente intériorité la
subsistance de « A », mais en tant que cette figuration suggérée
d’une topologie qui est celle grâce à quoi le plus petit des cercles venait
se conjoindre au plus grand sur cette figure, est la topologie suggérée par
une figuration semblable en faire l’index de ceci, que le grand « A »,
si nous le définissons comme s’incluant possiblement, c’est-à-dire devenu
savoir absolu , a cette conséquence singulière que ce qui représente le sujet
ne s’y inscrit, ne s’y manifeste que sous la forme d’une répétition
infinie, comme vous l’avez vu s’inscrire sous le forme de ce grand « S »
dans la série de parois du cercle où ils s’inscrivent indéfiniment.
Le sujet ainsi de ne s’inscrire que comme répétition de soi-même
infinie, s’y inscrit d’une façon telle qu’il est très précisément
exclu et non pas d’un rapport qui soit d’intérieur ni d’extérieur, de ce
qui est posé d’abord comme savoir absolu.
Je veux dire qu’il y a là quelque chose
qui rend compte de la structure logique, de ce que la théorie freudienne
implique de fondamental dans le fait qu’originellement le sujet, au regard de
ce qui le rapporte à quelque chute de la jouissance, ne saurait se manifester
que comme répétition (p113->) et répétition
inconsciente.
C’est donc une des limites autour de quoi s’articule le lien du
maintien de la référence au savoir absolu, au sujet « supposé savoir »,
comme nous l’appelons dans le transfert avec cet index de la nécessité répétitive
qui en découle qu’est logiquement l’objet « a » en tant
qu’ici l’index en est représenté par ces cercles concentriques.
Par contre, ce sur quoi j’ai terminé la dernière fois est l’autre
bout de l’interrogation que nous avons à poser au grand « A », au
grand « Autre », pour autant que nous lui imposerions la condition
de ne pas se contenir lui-même.
Le grand « A » ne contient que
des S1 S2 S3 qui sont tous distincts de ce que grand « A »
représente comme signifiant.
Est-il possible que sous cette autre forme le sujet puisse se subsumer
d’une façon, qui sans rejoindre l’ensemble ainsi défini comme univers du
discours, pourrait être sûr d’y rester inclus ?
C’est le point sur lequel peut-être
suis-je passé un peu vite et c’est pourquoi pour terminer aujourd’hui j’y
reviens.
La définition d’un ensemble en tant qu’il joint des éléments veut
dire qu’est défini ensemble (tout point) à quoi plusieurs se rattachent –
je prends « points » (p23->) parce
qu’il n’y a pas de façon plus sensible de figurer l’élément comme tel,
ces points par exemple, sont par rapport à celui-ci élément de l’ensemble
que ce quatrième point peut figurer à partir simplement du moment où nous le
définissons comme élément.
A l’intérieur du grand « Autre » ou ne figurera aucun
« A » comme élément, puis-je définir le sujet sous cette forme
ultra simple qu’il est précisément constitué, ce qui semble être
exhaustif, par tout signifiant en tant qu’il n’est pas élément de lui-même,
c’est-à-dire que S1 ni
S2 ni S3 ne sont signifiants semblables au grand « Autre »,
que ce grand « A » est leur Autre à tous ?
Vais-je comme sujet du dire, à simplement émettre cette proposition que
S1 (un) signifiant quelconque, n’est pas élément de lui-même.
Vais-je pouvoir ainsi rassembler quelque chose qui sera ce point là, à
savoir l’ensemble qui conjoint tous les signifiants ainsi définis, je l’ai
dit par un dire ? Ceci est essentiel pour vous à retenir par la suite car
ce « par un dire » autrement dit proposition, c’est ce autour de
quoi il faut faire tourner d’abord la fonction du sujet pour en saisir la
faille car quelqu’usage que vous
donniez ensuite à une énonciation, même son usage de demande, c’est
d’avoir marqué ce que comme simple dire elle démontre de faille, que vous
pourrez le plus correctement, dans la faille de la demande, (p115->)
cerner dans l énonciation de la demande
ce qu’il en est de la faille du désir.
Le structuralisme c’est la logique partout, ce qui veut dire, même au
niveau ou vous pouvez interroger le désir et Dieu sait bien sûr qu’il y en a
plus d’une façon, il y a des types qui brâment, il y a des types qui
clament, des typesses qui drament (…) et cela vaut simplement vous ne saurez
jamais rien de ce que cela veut dire pour la simple raison que le désir ne peut
se dire.
Du dire il n’est que la désinence et c’est pourquoi cette désinence
doit d’abord être serrée dans le pur dire. Là où seul l’appareil logique
peut en démontrer la faille.
Or il est clair que ce qui , ici, aurait le rôle du deuxième signifiant
par essence, notez qu’ici je l’ai appelé S alpha, S bêta, S gamma, ce
deuxième signifiant, le sujet en tant qu’il est le sous-ensemble de tous les
signifiants, en tant que « A » n’est pas « A ».
Qu’allons-nous pouvoir en dire ?
Nous avons posé comme condition, prenons ici pour être simple les
lettres auxquelles vous êtes plus habitués, à savoir « X »
n’est pas élément de « X », pour que quelque chose s’inscrive
sous la rubrique S2, le sous-ensemble formé par ce signifiant auprès de qui va
être présenté par tous les autres le sujet, c’est-à-dire justement celui
qui le subsume comme sujet.
Il faut pour que « X », quelqu’il soit, soit élément (p116->) de (O ?)
, ceci première condition, que « X » ne soit pas élément de
« X é et seconde ( ?), nous prenons « X » comme élément
de « A », puisque le « A » les rassembles tous.
Alors que va-t-il en résulter ?
Ce S2
est-il élément de lui-même ?
S’il était un élément de lui-même il ne
répondrait pas à la façon dont nous avons construit le sous-ensemble, des éléments
en tant qu’ils ne sont pas éléments d’eux-mêmes.
Il n’est donc pas élément de lui-même ;
il n’est donc pas parmi ces 5 alpha, 5 bêta, 5 gamma, il est là où je
l’ai placé en tant qu’il n’est pas élément de lui-même ; S2 n’est pas élément de lui-même.
Supposons qu’il soit S2
élément de grand « A », qu’est-ce que cela veut dire ?
C’est que ce S2
est élément de S2,
puisque tout ce qui n’est pas élément
de soi-même, tout en étant élément de grand »A », nous avons défini
comme faisant partis, comme constituant le sous-ensemble défini par « X »
élément de S2.
Nous devons donc inscrire que S2
est élément de S2,
ce que nous avons repoussé tout à l’heure, puisque sa définition à ce
sous-ensemble, c’est qu’il est composé d’éléments qui ne sont point éléments
d’eux-mêmes, qu’en résulte-t-il ?
Pour ceux qui ne sont pas habitués à ces sortes de raisonnements
pourtant simples, je le figure, encore que la figuration soit ici tout à fait
puérile : c’est que S2
n’étant (p117->) pas élément de « A »,
ne peut-être figuré qu’ici, c’est-à-dire en dehors, ce qui démontre que
le sujet de quelque façon qu’il entend se subsumer, soit d’une première
position du grand Autre comme s’incluant lui-même, soit dans le grand Autre
à se limiter aux éléments qui ne sont point éléments d’eux-mêmes,
implique quelque chose qui quoi ?
Comment allons-nous traduire cette extériorité où je vous ai posé le
signifiant du sous ensemble, à savoir le S2 ?
Ceci veut dire très précisément que le sujet n’est point inclus dans
le champ de l’Autre, mais que ce qui peut être le point où il se signifie
comme sujet, est un point disons « extérieur » à l’Autre, extérieur
à l’univers du discours.
Dire comme je l’ai aussi entendu répéter en écho de mon
articulation, qu’il n’y a pas d’univers du discours, ce qui voudrait dire
qu’il n’y a pas de discours du tout, il me semble que si je n’avais pas
ici soutenu un discours assez serré, c’est très précisément ce dont vous
n’auriez aucune (p118->) espèce d’idée.
Que ceci vous serve d’exemple et d’appui pour notre méthode et aussi
de point d’attente pour ce que la prochaine fois, 11 décembre, j’espère
nous réussirons à pousser plus avant de cette articulation dans ce qui vous
intéressent, non pas seulement en tant que psychanalystes
vous en êtes le point vivant , mais aussi en tant que
psychanalysants vous êtes à sa recherche.
note:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un émail. Haut
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