XVI- La logique du fantasme. 1966-1967
version rue CB
14 Juin 1967 note
(p297->) Une
analyse peut être interminable, mais pas un cours il faut bien qu'il ait une
fin. Le dernier de cette année aura lieu mercredi prochain.
C'est donc aujourd'hui l'avant dernier. Cette année j'ai choisi qu'il n'y ait
pas de séminaire fermé, je fais néanmoins place, au moins, je m'excuse si
j'ai oublié deux personnes qui m'ont apporté ici leur contribution, peut-être
au début de cet avant dernier cours y aura-t-il quelqu'un d'entre vous,
plusieurs, qui voudrez bien me dire peut-être sur quoi ils aimeraient, qui
sait, mettre un peu plus d'accent, amorcer une reprise pour le futur, ceci soit
dans cette avant-dernière leçon, soit dans la dernière. Je verrai si je peux
y répondre aujourd'hui, je m'efforcerai au moins d'indiquer dans quel sens je
peux répondre ou ne pas répondre. Bref, si quelques-uns d'entre vous voulaient
bien ici, tout de suite, me donner quelques indications de leur vœux et ce que
j'ai pu leur laisser à désirer concernant le champ que j'ai articulé cette
année sur la logique du fantasme. Je leur en serais reconnaissant.
Qui demande la parole ? (silence). N'en parlons plus pour l'instant, ceux qui
auront l'esprit d'escalier pourront peut-être m'adresser un petit mot, mon
adresse est dans l'annuaire, rue de Lille, je ne pense pas que vous aurez d'hésitation,
que je sache je suis le seul, au moins à cette place, à être repéré comme
docteur Lacan.
Je vais poursuivre au point où nous avons laissé les choses, et comme nous
n'avons plus très longtemps pour boucler ce qui peut passer pour former
certains champs, cerner dans ce que j'ai dit cette année, je vais m'efforcer de
vous indiquer les derniers points de repère, de façon aussi simple que je le
pourrai. Je vais essayer de faire simple, ceci suppose que je vous avertisse de
ce que cette simplicité peut vouloir dire. Vous voyez bien qu'au terme de cette
logique du fantasme, terme suffisamment justifié par le fait que je vais une
fois de plus réaccentuer aujourd'hui que le fantasme c'est d'une façon bien
plus étroite que tout le reste de l'inconscient structuré comme un langage
puisqu'en fin de compte le fantasme c'est une phrase avec une structure
grammaticale, semble indiquer donc d'articuler la logique du fantasme, ce
qui veut dire par exemple poser un certain nombre de questions logiques qui pour
simples qu'elles soient ont, certaines, été articulées pas si souvent. Je ne
dis pas pour la première fois par moi, mais pour la première fois par moi dans
le champ analytique. Le rapport du sujet de l'énoncé par exemple,
Non ça n'exclut pas, mais ça indique bien sûr que quelque part, cette logique
du fantasme, s'accroche, s'insère, se suspend, à l'économie du fantasme,
c'est bien pour ça qu'au terme de ce discours, j'ai amené ce terme de la
jouissance. Je l'ai en soulignant, en accentuant, que c'est là un terme nouveau
au moins dans la fonction que je lui donne, ce n'est pas un terme que Freud a
mis au premier plan de l'articulation théorique.
Si mon enseignement en somme, pourrait trouver son axe, de la formule de faire
valoir la doctrine de Freud, c'est bien là quelque chose qui implique justement
que j'y annonce, que j'y amorce, telle fonction, tel repère qui est en quelque
sorte cerné, exigé, impliqué. Faire valoir Freud c'est faire ce que je fais
toujours, d'abord comme on dit, rendre à Freud ce qui est à Freud, ce qui
n'exclut pas quelque autre allégeance, celle par exemple de le faire valoir au
regard de ce qu'il indique de ce qui comporte de la relation à la vérité. Je
dirai même que si quelque chose comme cela est possible, c'est précisément
dans la mesure où je ne manque jamais de rendre à Freud ce qui est à Freud
que je ne me l'approprie pas. C'est là un point, qui a son importance, peut-être
aurai-je le temps d'y revenir à la fin. Il est assez curieux de voir que pour
certains c'est à s'approprier, je veux dire, à ne pas me rendre ce qu'ils me
doivent le plus manifestement, tout un chacun peut s'en apercevoir, dans leur
formulation, ce n'est pas ça qui est l'important, c'est quelque chose où ce
manque à me rendre les empêche de faire le pas suivant, ce qui serait dans un
champ pourtant bien facile, tout de suite au lieu, hélas, de me le laisser
toujours à faire, désespérés ensuite comme ils s'entends, que je leur ai
coupé l'herbe sous le pied.
Donc cette fonction , du fantasme, approchons-là, et d'abord pour nous
apercevoir, dire simplement comme le départ même de notre question, toute
chose qui saute aux yeux, il-est quelque chose de clos qu'il se présente à
nous dans notre expérience, comme une signification formée pour les sujets,
qui d'habitude. le plus communément, le plus coutumièrement pour nous, le
supporte, à savoir, le névrosé. Qu'on note comme le fait Freud avec force
dans l'examen exemplaire qu'il a fait d'un de ces fantasme : l'on bat un enfant,
sur lequel j'ai déjà fait, si vous vous en souvenez, quand j'ai introduit les
premiers schémas cette année, je vous conseille quand vous aurez rassemblé ce
que vous avez pu prendre comme notes pour saisir le chemin qui aura été ici
parcouru, que quelque chose de clos donc est à situer doublement dans ces deux
termes que j'ai accentué, l'un comme ce corrélatif du choix constitué par le
«je ne pense pas», dans lequel «je» se constitue par le fait
que le "je" justement vient en réserve, si je puis dire, l'écornage
en négatif, dans la structure grammaticale, ce fantasme, non pas "on
bat un enfant" mais pour être strict, "un enfant est battu",
comme il est écrit en allemand, le fantasme c'est
Mais comme je vous l'ai dit, cette structure, la seule qui nous soit
C'est là tout simplement ce dont il s'agit concernant ce qu'on appelle
Ne vous imaginez pas que le pervers, pour lui, le fantasme joue le même rôle,
c'est en cela que j'essaie de vous expliquer l'enracinement de ce que fait le
pervers qui ne saurait se définir que par rapport au terme que j'ai introduit
également neuf de l'avoir accentué, qui s'appelle : l'acte sexuel.
Donc vous le voyez, il y a là des connexions qu'il faut distinguer, articuler
ce qu'il en est de la jouissance intéressée dans la perversion par rapport à
la difficulté, ou à l'impasse de l'acte sexuel, c'est donner quelque chose qui
a, par rapport au fantasme, tel qu'il nous est donné à l'état fermé, c'est
pour cela que j'ai rappelé cet exemple de "on bat un enfant"
dans le texte freudien, la fonction de ce fantasme qui ne peut comme tel présenter,
n'être autre chose que strictement cette formule :"eine kind ist
geschlafen". Ce n'est pas parce qu'elle peut intéresser en ce sens
qu'elle a une configuration que vous pouvez pointer, reporter sur l'économie de
la jouissance perverse, en faisant correspondre tel des termes de l'un à des
termes de l'autre qui n'est d'aucune façon de même nature.
(p300->) Il faut tout de suite rappeler ce point vif qu'il n'est pas difficile de ramasser au passage dans ce texte si clair de Freud c'est par exemple ceci qu'il n'a pas une telle spécificité dans les cas de névrose ou il l'a rencontré.
Dans la structure d'une névrose, ce fantasme pour prendre celui-là, pour fixer
notre attention, ce fantasme n'est pas lié spécifiquement à tel ou tel. Voilà
bien quelque chose qui pourrait un instant tenir notre attention. Enfin pour ce
qu'il en est de la structure des symptômes, je veux dire ce que signifient les
symptômes dans l'économie, là nous ne pouvons pas dire que ça s'arrange là
même chose dans une névrose ou dans une autre. Je ne le répéterai jamais
trop, même si je semble étonné, auprès de ceux qui me font la confiance
de venir se faire contrôler par moi. Je m'élève par exemple avec force contre
l'usage de termes comme ceux-ci par exemple : de structure hystéro-phobique.
Pourquoi ça ? Ce n'est pas pareil une structure hystérique et une structure
phobique, pas plus proche l'un de l'autre que de la structure obsessionnelle. Le
symptôme représente une structure. C'est là qu'est le point frappant,
c'est que comme nous l'indique Freud dans des structures très différentes, ce
fantasme peut être là qui se ballade avec ce privilège d'être plus
inavouable que quoi que ce soit, je lis Freud, je le répète pour l'instant,
inavouable comporte beaucoup de choses, on pourrait s'y arrêter.
En tous cas, pour rester au niveau d'approche grossière qui est celui de
l'an 1919 où ceci a été écrit, disons qu'il est appendu comme une cerise sur
un pédicule de sentiment de culpabilité.
C'est là ce à quoi Freud s'arrête pour le mettre en rapport avec ce qu'il
appelle une cicatrice, celle précisément du complexe d'œdipe. Ceci est bien
fait pour nous faire dire que pour la façon dont il a surgi dans notre expérience,
le fantasme participe de l'aspect expérimental de corps étranger que nous
ayons été amenés - ceci en raison de véritables bonds théoriques de Freud
à pressentir cette signification ferme dans des rapports de quelque chose
d'autre bien plus développable , bien plus riche, virtualité, qui s'appelle à
proprement parler la perversion, ce n'est pas parce que Freud a fait ce saut très
vite, que nous ne devons pas omettre les distances, juste rapport, de nous
interroger après quand même beaucoup d'expérience acquise sur ce qu'il en est
de la perversion.
La perversion, donc, ai je dit, est quelque chose qui s'articule, se présente,
comme une voie d'accès propre à la difficulté qui s'engendre disons du
projet, si vous mettez ce mot entre guillemets, c'est-à-dire qu'il n'est pas là
qu'analogique, je le fais intervenir comme une référence à un autre discours
que le mien, de la mise en question pour être plus exact, se situe dans l'angle
de ces deux termes : il n'y a pas, il n'y a que l'acte sexuel.
(p301->) Il
n'y a pas d'acte sexuel, ai je dit, pour autant que nous sommes capables d'en
articuler les affirmations résultantes, ce qui ne veut pas dire bien sûr qu'il
n'y ait pas quelque sujet qui y ait accédé, qui puisse dire légitimement, je
suis un homme, je suis une femme. Nous analystes, c'est bien là ce qui est
frappant, c'est que nous ne sommes pas capables de le dire. Pourtant il n'y a
que cet acte mis en suspens à ce niveau pour rendre compte de ce quelque chose
qui après tout, la chose non seulement est restée, mais reste encore ambiguë
pour en être séparée qui s'appelle la perversion. Pourquoi ? c'est une
perversion au sens absolu, au sens où Aristote la prend par exemple quand il écarte
Terence du champ de son éthique, un certain nombre de pratiques, qui peut-être,
pourquoi pas, plus manifestes plus visibles, plus vivaces même dans son monde
que dans le nôtre; d'ailleurs, il ne faut pas croire qu'ils sont là toujours.
Savoir que l'exemple qu'il donne d'amour bestial, voire, si je me souviens bien,
l'allusion au fait que je ne sais pas quel tyran de Phalère si je me souviens
bien, aimait assez faire passer quelques victimes, qu'elles fussent ou non
amicales ou inamicales dans je ne sais quelle machine où elles cuisaient à l'étuvée
un certain temps. Ce n'est pas bien sûr pour nous un modèle univoque,
puisqu'en son éthique l'acte sexuel comme dans aucune éthique de la tradition
philosophique grecque, l'acte sexuel n'a valeur centrale avouée, patente, il
nous reste à nous la lire, il n'en est pas de même pour nous, grâce au fait
de l'inclusion du commandement judaïque dans notre morale.
Assurément, avec Freud la chose est ferme, l'intérêt que nous portons à la
perversion sexuelle même si nous trouvons plus commode d'en relâcher les chaînes
sous la forme de référence à je ne sais quel développement endogène, à je
ne sais quel stade, que nous prétendons on ne sait pourquoi, biologique, il
reste que la perversion ne prend sa valeur qu'à s'articuler à l'acte sexuel.
Je dis à l'acte sexuel comme tel et c'est pour cela que j'ai choisi ce petit
modèle de la division incommensurable par excellence, de ce «a» le plus large
à développer son incommensurabilité qui se définit par
et nous permet de l'inscrire et un
schéme sous
la forme d'un double développement.
............
Ce qui reste de a se trouve comme par hasard être a2=1-a
............
Vous aboutissez à une somme de puissances impaires qui se trouvent égales à A
2 ..........
Ce que vous avez vu se projeter dans le 1, à savoir le a, à gauche le a2 à
droite se trouvent à la fin séparés d'une façon définitive dans une forme
inversée.
Thème cher, dont il nous serait facile, de montrer qu'elle peut représenter
assez bien ce qui de l'acte sexuel pourrait pour nous se présenter d'une façon
conforme au pressentiment de Freud, à savoir : réalisable, seulement sous la
forme de la sublimation. C'est précisément dans la mesure où cette voie et ce
qu'elle
C'est dans la mesure, là-dessus vote commun des auteurs, de ceux qui en ont
l'expérience, c'est clair, c'est au minimum peut-on dire, dans une voie qui est
inverse de celle qui va à la butée de la castration que s'articule ce qui est
perversion.
L'intérêt de ce schéma est de montrer où se mesure «a » projeté
sur, ce
rapport fondamental que désigne le «a» qui veut dire
Que
ce dont il s'agit au niveau de la perversion est ceci : c'est que
Ce qu'elle met en valeur, pour essayer de reconjoindre cette jouissance et ce
corps séparé de l'intention signifiante, c'est là qu'elle se situe sur la
voie d'une résolution de la section de l'acte sexuel, c'est parce que, dans
l'acte sexuel comme je vous l'ai montré dans mon schéma de la dernière fois,
il y a pour quelque soit des deux partenaires lequel, une jouissance, celle de
l'autre, qui reste en suspens, c'est parce que l'entrecroisement, la chiasme
exigible qui feraient de plein droit de chacun des corps la métaphore de
signifiant de la jouissance de l'autre, c'est parce que ce chiasme est en
suspens, que nous ne pouvons de quelque côté que nous l'abordions que voir ce
déplacement qui, en effet, met une jouissance dan la dépendance du corps de
l'autre, moyennant quoi la jouissance de l'autre reste à la dérive.
L'homme pour la raison structurale qui fait que c'est sur la sienne de
jouissance qu'est pris un prélèvement qui l'élève à la fonction d'une
valeur de jouissance. L'homme se trouve plus électivement que la femme pris
dans les
Il le peut à la faveur de ceci : qu'il y a dans la nature de cet autre qui
s'appelle le corps, quelque chose qui redouble cette aliénation qui est de la
structure du sujet, aliénation de la jouissance. A côté de l'aliénation
subjective, je veux dire dépendante, de l'introduction de la fonction du sujet
qui porte sur la jouissance, il y en a une autre qui est celle qui est incarnée
dans la fonction de l'objet "a".
Eurydice, si l'on peut dire, deux fois perdue, la jouissance, cette jouissance
que le pervers retrouve, où va-t-il
la retrouver ? Non pas dans la totalité de son corps, celle où une jouissance
est parfaitement convenable et peut-être exigible, mais où il est clair que
c'est là qu'elle fait problème quand il s'agit de l'acte sexuel, la jouissance
de l'acte sexuel ne saurait d'aucune façon se comparer à celle que peut éprouver
le coureur de cette démarche libre et altière nulle part plus que dans le
champ de la jouissance sexuelle, et ce n'est pas pour rien que c'est là qu'elle
apparaît prévalente nulle part plus dans ce champ le principe du plaisir qui
est proprement la limite, l'achoppement, le terme mis à toute forme qui se
situe comme d'excès de la jouissance. Nulle part, il n'apparaît mieux que la
loi de la jouissance est soumise à cette limite et que c'est là que va se
trouver tout spécialement pour l'homme en tant que j'ai dit déjà que pour lui
le complexe de castration articule déjà le problème, va trouver son champ, je
veux dire qu'il est des objets qui dans le corps se définissent d'être en
quelque sorte au regard du principe du plaisir hors corps.
C'est là ce que sont les objets « a ». Le « a » est ce
quelque chose
On le voit bien l'appartenance énigmatique, bien sûr autant que par un
accident de l'évolution des êtres vivants, il apparaît qu'ainsi pour certains
d'entre eux, quelque chose d'eux reste appendu au corps de l'être qui les a
engendré, et puis les autres : nous l'avons dit, l'excrément, à peine besoin
de souligner ce qu'il a au regard du corps de marginal, et non pas sans être très
lié à son fonctionnement, il est assez clair de voir dans tout son poids ce
que les êtres vivants ajoutent au domaine naturel de ces produits de leurs
fonctions. Ceux que j'ai désignés sous les termes du regard et de la voix.
(p304->) Cherchons
pour le premier de ces deux termes, ayant déjà articulé abondamment ce que
comporte le fait que dans le rapport de vision la question reste toujours
suspendue, qui est celle, si simple à articuler, dont on peut dire malgré
tout, l'abord phénoménologique comme le prouve la dernière oeuvre de Merleau
Ponty, on ne peut, pas le résoudre, c'est à savoir ce qu'il en est de cette
racine divisible laquelle doit être retrouvée la question de ce qu'est
radicalement le regard. Le regard qui ne peut plus être saisi comme reflet du
corps qu'aucun des autres objets en question ne peut être ressaisi dans l'âme,
je veux dire dans cette esthésie régulatrice du principe du plaisir, dans
cette esthésie représentative où l'individu se trouve identifié à lui-même
dans le rapport narcissique où il s'affirme comme individu. Ce reste, qui ne
surgit que du moment où est conçue la limite que fonde le sujet, ce reste qui
s'appelle l'objet «a», c'est là que se réfugie la jouissance qui ne tombe
pas sous le coup du principe du plaisir. C'est aussi, là, c'est d'être là,
c'est de ce que le Dasein non seulement du pervers mais de tout sujet est à
situer dans cet hors corps, dans cette partie que dessine déjà ce quelque
chose de pressentiment qu'il y a quelque part dans le filet de ce passage que je
vous ai demandé d'aller rechercher, que Socrate appelle dans la relation de l'âme
au corps, cette partie anesthésique, c'est dans cette partie anesthésique que
la jouissance gît comme le montre la structure de 1a position du sujet dans ces
deux termes exemplaires qui sont définis comme celui du sadique et du
masochiste pour vous apprivoiser avec cette voie d'accès.
Ai-je besoin d'évoquer la marionnette la plus élémentaire de ce que nous
pouvons imaginer de l'acte sadique, à ceci près, que j'ai pris au départ mes
garanties que je vous demande de bien saisir, que là je vous demande de vous
arrêter à autre chose qu'à ce que pour vous, je l'ai dit plus ou moins
vacillant sur les bords de la névrose, peut éveiller en vous une empathie le
moindre petit fantasme de cet ordre, il ne s'agit pas de comprendre ce que peut
avoir d'émouvant telle pratique imaginée ou pas.
Il s'agit d'articuler ceci, qui vous évitera de poser des questions sur l'économie
dans cette fonction de la douleur par exemple, sur lequel on a fini j'espère de
se casser la tête, ce avec quoi joue le sadique, c'est avec le sujet
dirons nous.
Je ne vais pas faire là-dessus de prosopopée, j'ai déjà écrit là-dessus
quelque chose qui s'appelle : Kant avec Sade, pour montrer qu'ils sont de la même
veine. Ils jouent avec le sujet, quel sujet ? le sujet dirai-je,
comme j'ai dit quelque part qu'on est sujet à la pensée ou sujet au vertige,
le sujet à la jouissance. Ce qui vous le voyez bien introduit cette inflexion
qui du sujet nous fait passer à ce que j'ai marqué comme en étant le reste,
à l'objet « a ».
C'est au niveau de l'Autre qu'il opère cette subversion en réglant je
dis en réglant - ce que depuis toujours les philosophes ont senti comme digne
de qualifier ce qu'ils appelaient dédaigneusement les rapports du corps à l'âme
et
Voyez bien le rapport immédiat avec le champ de l'acte sexuel. Seulement, la
question au niveau du sadique est celle-ci : c'est qu'il ne sait pas que c'est
à cette question en tant que telle qu'il est attaché qu'il en devient
l'instrument pur et simple qu'il ne sait pas ce qu'il fait lui-même comme sujet.
Il est essentiellement dans la Verleunung qu'il peut l'interpréter de
mille façons, je ne vous demande pas de le faire. Il faut bien sûr qu'il ait
quelque puissance articulante, ce qui fût le cas du Marquis de Sade, moyennant
quoi légitimement son nom reste attaché à la chose.
Sade reste essentiel pour avoir bien marqué les rapports de l'acte sadique à
ce qu'il en est de la jouissance et pour avoir quand il en a tenté dérisoirement
d'articuler la loi sous la forme d'une règle universelle digne des
articulations de Kant dans ce morceau célèbre : "Français encore un
effort pour être Républicains", objet de mon commentaire, l'article
que j'ai évoqué tout à l'heure, montrait que cette loi ne saurait articuler
qu'en termes non pas de jouissance du corps, mais de partie du corps.
Chacun dans cet État fantasmatique qui serait fondé sur le droit à la
jouissance, chacun étant tenu d'offrir à quiconque en marque le dessein, la
jouissance de telle partie, écrit l'auteur ce n'est pas là en vain, de son
corps.
Le refuge de la jouissance à cette partie dont le sujet sadique ne sait
pas que c'est ça qui est à lui son Dasein, qu'il en réalise l'essence, voilà
ce qui est donné comme clé par le texte de Sade. Bien sûr, je n'ai pas le
temps de réarticuler ce qui résulte de cette reprise, de ce reclassement, l'un
par rapport à l'autre de la jouissance et du Sujet, et combien proche
elle est du fantasme bien entendu, immédiatement articulé par Sade, de la
jouissance là où elle est portée à l'absolu dans l'Autre, dans ce 1 la
jouissance laissée sans support, celle dont il s'agit et pour laquelle Sade
doit construire cette figure la plus manifestement vraisemblable de Dieu, celle
de la jouissance d'une méchanceté absolue.
Ce mal essentiel, et souverain dont alors et alors seulement, apporté par la
logique du fantasme, Sade avoue que le sadique n'est que le servant, qu'il doit
au mal radical que constitue la nature frayer les voies d'un maximum de
destruction. Mais ne l'oublions pas, il ne s'agit que de la logique de la chose.
Si je l'ai développé, ou indiqué de vous reporter à ses sources dans le
caractère si manifestement futile, bouffon, dans le caractère toujours misérablement
avorté des entreprises sadiques, c'est parce que c'est à partir de cette
apparence que s'en fera mieux voir la vérité qui est proprement donnée par la
pratique masochiste où
Cette recherche, cette construction, en quelque sorte acharnée de
l'identification impossible avec ce qui se réduit au plus extrême du déchet,
et que ceci soit lié pour lui à la captation de la jouissance, voilà où
apparaît exemplaire l'économie dont il s'agit.
Observons, sans nous arrêter aux vers sublimes qui humanisent si je puis dire,
cette manœuvre, " tandis que des mortels la multitude vile sous le
fouet du plaisir, le bourreau sans merci va cueillir des remords dans la fête
servile..." Tout ça c'est de la blague ! C'est le reflet porté sur la
loi du plaisir. Le plaisir n'est pas un bourreau sans merci, le plaisir vous
maintient dans une limite assez tamponnée précisément pour être le plaisir.
Ce dont il s'agit, quand le poète s'exprime ainsi, c'est précisément pour
marquer sa distance «ma douleur donne moi la main, viens par ici, loin
d'eux..» etc. Chant de flûte pour nous montrer les charmes d'un certain
chemin qui s'obtient par ces couleurs ainsi inversées.
Si nous avons à faire au masochisme sexuel, observons la nécessité de notre
schéma, ce que Reich souligne avec une maladresse qu'on peut vraiment dire à
nous faire tourner la tête, du caractère imaginaire ou fantaisiste du
masochisme, il n'a pas saisi encore que tout ce qu'il apporte désigne
suffisamment que ce dont il s'agit est à savoir ce que nous avons projeté : le
1 absolu de l'union sexuelle pour autant que d'une part elle est cette
jouissance pure, mais détachée
Par contre, à quoi bon se casser la tête sur le fait que cette jouissance est
purement imaginaire, il faut qu'elle soit incarnée à l'occasion par un couple
nécessité qui se manifeste de la structure de cet autre, en tant qu'il
n'est quo le rabattement de cet 1 non encore réparti dans la division sexuelle.
(p307->) On
a pas à se casser la tête à entrer dans des évocations oedipiennes pour voir
qu'il est nécessaire, que cet être qui représente cette jouissance mythique,
que je réfère ici à la jouissance féminine, soit à l'occasion représenté
par deux partenaires prétendus sexuels qui sont là pour le théâtre, le
guignol et alternent. Le masochiste donc d'une façon manifeste se situe et ne
peut se situer que par rapport à une représentation de l'acte sexuel et définit
par sa place, le lieu où s'en réfugie la jouissance.
C'est même ce que ça a de dérisoire et ça n'est pas simplement dérisoire
pour nous, c'est dérisoire pour lui, c'est par là que s'explique ce double
aspect de dérision, je veux dire, vers l'expérience en tant que jamais il ne
manque de mettre dans la mise en scène comme l'a remarqué M. Jean Genêt,
cette petite chose qui marque, non pas pour un public éternel, mais pour que
quiconque survenant ne s'y trompe pas, ça fait partie de la jouissance, que
tout ça c'est du truc, voire de la rigolade.
Cette autre face qu'on peut appeler moquerie, qui est tournée vers lui-même,
il suffit d'avoir lu (puisque vous l'avez maintenant à votre portée) la suite
de l'admirable présentation de G. Deleuze : la Vénus aux fourrures, vous voyez
ce moment où ce personnage, quand même un peu seigneur, qu'était Sacher
Masoch, imagine le personnage de son roman dont il fait lui un grand seigneur,
qui pendant qu'il joue le rôle de valet va courrater derrière sa dame a toutes
les peines du monde à ne pas éclater de rire encore qu'il prenne l'air le plus
triste possible. Il ne retient qu'avec peine son rire. C'est encore introduire
comme essentiel ceci
La perversion tout entière a toujours cette dimension démonstrative, je veux
dire, non pas qu'elle démontre pour nous, mais que le pervers est lui-même démonstrateur,
c'est lui qui a l'intention, c'est pas la perversion, bien sûr.
Voilà à partir de quoi peuvent se poser sainement les questions de ce qu'il en
est de ce que nous appelons plus ou moins prudemment le masochisme moral. Avant
d'introduire le terme de masochiste, à chaque tournant de nos propos, il faut
d'abord avoir bien compris ce qu'est le masochisme au niveau du pervers. Je vous
ai suffisamment indiqué que dans la névrose ce par quoi on est relié à la
perversion qui n'est rien d'autre que ce fantasme qui, à l'intérieur de son
champ, à elle, névrose, remplit une fonction bien spéciale sur laquelle
semble-t-il on ne s'est jamais interrogé. C'est uniquement à partir de là que
nous pourrons donner juste valeur à ce que nous introduirons à plus ou moins
juste titre, dans tel tournant de la névrose en l'appelant masochisme.
(p308->) Je
suis pris de cours aujourd'hui, et de ne pouvoir continuer sur la névrose cassée
en deux, si aujourd'hui j'ai bien articulé ce qui fait le ressort de la
perversion en elle-même et du même coup vous ai montré que le sadisme n'est
nullement à voir comme un retournement du masochisme, car il est clair que tous
les deux opèrent de la même façon, à ceci près, que le sadique opère d'une
façon plus naïve, intervenant sur le champ du sujet en tant qu'il est sujet à
la jouissance le masochiste après tout, sait bien que peu lui chaut de ce qui
se passe au champ de l'autre, bien sûr, il faut que l'autre se prête au
jeu, mais lui sait la jouissance qu'il a à soutirer.
Pour le sadique, il se trouve en vérité, serf de cette nécessité de ramener
sous le joug de la jouissance- ce qu'il vise comme étant le sujet. Mais
il ne se rend pas compte que dans ce jeu il est lui-même la dupe se faisant
certes quelque chose qui est tout entier hors de lui et la plupart du temps
restant à mi-chemin de ce qu'il vise, mais par contre ne manquant pas de réaliser
en fait, sans chercher, sans s'y placer la fonction de l'objet "a",
c'est-à-dire d'être objectivement réellement, dans une position masochique
comme la biographie de notre divin Marquis, je l'ai souligné dans mon article,
nous le démontre, quoi de plus masochiste que de s'être entièrement remis
entre les mains de la Marquise de Merteur ?
note
:
bien que relu, si vous découvrez des erreurs manifestes dans ce séminaire, ou
si vous souhaitez une précision sur le texte, je vous remercie par avance
de m'adresser un
émail.
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