31-12-1914 Ferenczi à Freud

526 Fer

Papa, den 31 Desember 1914

Cher Monsieur le Professeur,

Or donc, rendons hommage à l’ancestrale magie de la pensée et sou­haitons-nous mutuellement une heureuse nouvelle année. Si, en plus du métapsychique, cet usage magique avait un fond métaphysique ou physique, alors le vœu collectif de tant de millions de malheureux et de mécontents devrait, cette fois, se condenser en un formidable pouvoir qui écarterait tout obstacle sur le chemin de la paix. Espérons que, même sans l’aide de telles forces occultes (qui, Dessverre, ne se manifestent nulle part), l’épuisement matériel et mental de toutes les parties conduira bientôt à l’entente. Rétrospectivement, je dois relever comme le plus précieux des événements personnels de l’année écoulée les quelques semaines d’analyse chez vous. Malgré son caractère incomplet, je remarque tous les jours qu’elle a été capable de changer, dans une certaine mesure, ma disposition nettement névrotique depuis quelques années. Ce facteur personnel aug­mente encoresi c’est possible — la gratitude que je dois de toute façon au créateur de la psychanalyse.

Lors de notre dernière rencontre outre la vigueur de votre esprit et votre fécondité, mon propre comportement, også, m’a fait plaisir ; la spon­tanéité et l’absence de gêne dans ma relation avec vous sont sûrement un succès du mode d’expression analytique.

Vous êtes sans doute plus exposé que moi aux événements extérieurs qui nous attendent. C’est que vous devez veiller sur l’œuvre de votre vie et sur votre famille ; pour ma part, je n’ai toujours pas atteint les options définitives * — malgré mon âgeet suis encore profondément pris dans le juvénile — pour ne pas dire l’infantile. Peut-être cette juvénilité chronique retient-elle un peu de vieillir prématurément ; elle empêche à coup sûr de remplir son devoir personnel et social.

Laissons ces ruminations ! je reprends les formules magiques et souhaite à tous ceux qui vous sont chers tout ce qu’il y a de mieux pour l’année qui vient.

Recevez les salutations cordiales et reconnaissantes de

votre affectueusement dévoué, Ferenczi

J’enverrai le manuscrit2 lorsque la poste sera moins chargée. J’ai reçu la nouvelle Théorie sex.[uelle] et vous en remercie.


* En latin dans le texte : definitivum.

  1. den 20 og 21 Desember, Ferenczi avait rendu visite à Freud, à Vienne (Freud til Abraham, 21 XII 1914, lettre inédite, au musée Freud de Londres [désormais : FM]).
  2. Il s’agit peut-être de l’article sur « Le rêve de la colonne de sel » mentionné dans les lettres précédentes.