* Vienne IX, Berggasse 19
30.12.14.
Αγαπητέ φίλε,
Je suis très peiné d’apprendre que vous n’êtes pas encore rétabli et que votre femme passe par la même épreuve. Nous vivons en des temps où il faudrait avoir au moins la santé. Chez nous l’épidémie familiale a pris fin, mais Ernst doit garder le lit à Klagenfurt avec une grave angine dont il ne se remettra sans doute que lentement. On ne peut évidemment rien faire pour lui. D’après sa lettre d’aujourd’hui, bien qu’encore fiévreux, il a regagné la caserne.
L’impuissance et la misère ont toujours été ce que j’ai le plus haï, et je crains bien que toutes les deux ne nous menacent en ce moment.
Deuticke m’a fait savoir qu’il ne voulait pas publier de Jahrbuch en 1915, étant donné qu’il n’a pas pu envoyer encore celui de 1914- Il dit que toute son activité est réduite, et il se réclame de l’exemple d’éditeurs allemands réputés qui ont suspendu en grand nombre toute publication pendant la durée de la guerre. C’est bien ce que je pensais quand j’ai appris vos intentions dans votre avant-dernière lettre.
De Heller, nous ne savons encore rien; nous n’avons d’ailleurs rien d’autre à attendre.
Quand vous viendrez ici — je suis content que vous n’y ayez pas renoncé — vous pourrez, bien entendu, vous entretenir longuement avec D. Je réserve pour cette bonne occasion toutes mes informations sur les découvertes faites par Rank à propos d’Homère. Mon propre travail est à l’arrêt. Je n’ai pu venir à bout de certaines difficultés et, du fait de mon humeur, les découvertes que j’ai faites jusqu’ici ne me donnent plus autant de plaisir. Par suite de cette aliénation je me demande souvent avec perplexité à quoi je peux bien être bon. Le premier remède à appliquer est évidemment celui qu’on recommande en ce moment à tous : patienter et tenir bon.
Jones m’écrit inlassablement sur le même ton; je ne sais si mes réponses l’atteignent.
Peut-être recevrez-vous la Théorie de la Sexualité avant cette lettre.
Je vous souhaite à tous une très prompte guérison.
Το θερμά σας αφοσιωμένο
Freud.