480 F
Prof.. Dr. Freud
den 22 Juni 1914 Wien, IX. Berggasse 19
Cher Ami,
Nous vivons dans l’attente de la « bombe » qui doit être expédiée dès son arrivée. Pour le moment, rien qui puisse m’intéresser plus vivement.
Vos contributions ou esquisses, je les attends également avec impatience. Il me semble que la Zeitschrift a besoin maintenant de quelques réalisations vigoureuses. En ce qui concerne l’ambivalence, on devrait surtout penser au travail de Bleuler (1). Abraham, en principe, a raison dans sa remarque sur les travaux énumérés, mais ce n’est vraiment pas le bon moment pour brandir le crayon rouge de la critique, sinon nous n’aurons aucune contribution; il faut bien admettre une certaine diversité des points de vue, voire un alliage avec un certain pourcentage de non-sens. – Putnam m’a écrit, à moi aussi, plus gentiment que d’habitude (2). Il se peut que des quatre groupes américains, nous en gardions trois après le schisme (3).
Pour ce qui est de l’été, je vais vous révéler que j’ai un besoin impérieux d’un temps de solitude, car à Seis je dois faire le travail destiné à Kraus (4), qui ne peut être mûri qu’au cours de promenades tranquilles. Après, tout dépendra du moment où j’en aurai fini avec ce travail, quatre semaines, peut-être, donc le 4 ou le 5 September. Abraham ne viendra qu’avant le congrès. Ce serait très bien alors, si nous pouvions passer ensemble la période à partir du 18 septembre jusqu’au moment d’aller en Hollande ou à Hambourg. La période du 4 au 18 septembre n’est pas encore prise, peut-être resterons-nous à Seis; je vous informerai de chaque phase.
Vous devriez vraiment participer au congrès occultiste (5). Mais d’après la date, ce n’est pas compatible avec notre congrès (16-24 Oktober!).
A Madame G., mon plus cordial salut.
Dessutom, je travaille de nouveau comme une vraie bête, från 8 h du matin à 9 h ½ du soir!
Votre Freud
1. « L’excellente expression » (Freud, 1912-1913, Totem et tabou, 1947, p. 47) d’ambivalence avait été introduite en 1910 par Bleuler lors d’une conférence intitulée «Über Ambivalenz» (De l’ambivalence), compte rendu dans Zentralblatt 1910-1911, 1, pp. 266-268, et dans Dementia praecox oder Gruppe der Schizophrenien (Démence précoce ou groupe des schizophrénies), Leipzig et Vienne, 1911.
2. Dans sa lettre du 2 Juni, Putnam avait loué l’étude de Freud sur Moïse (Freud, 1914ETT), (« Le Moïse de Michel-Ange », Essais de psychanalyse appliquée, pp. 9-40) et partagé l’avis de Freud sur Adler : «Je crois que vous voyez juste; je crois aussi que mes propres complexes me poussent à de trop anxieuses tentatives pour ” rendre justice “, qui ne sont, en réalité, que des tentatives de conciliation » (Hale, Putnam, p. 204).
3. La New York Psychoanalytical Society fondée par Brill, l’American Psychoanalytical Association initiée par Jones, la Washington-Baltimore Psychoanalytic Society fondée par William Alanson White (1870-1937) et la Boston Psychoanalytic Society fondée en 1914, avec Putnam comme président et Isidor Coriat (1875-1943) comme secrétaire. Freud pouvait craindre la défection des groupes autour de White et de Smith Ely Jelliffe (1866-1945) qui avaient accepté la notion de libido désexualisée selon Jung.
4. Le projet de « Psychoanalytische Darstellung der Neurosen » (Présentation psychanalytique des névroses) (utsikt 432 F et note 2).
5. Un projet abandonné du fait de la guerre.