28-10-1907 Jung à Freud

49 J

Burgholzli Ζυρίχη, 28. X. 07.

Τιμήθηκε ο καθηγητής!

J’ai immédiatement mué en pratique, avec succès, vos bons conseils (1) dans le cas de la névrose obsessionnelle. Soyez-en cordialement remercié.

L’affaire Naecke (2) est extraordinairement amusante. Du reste je pense que N[aecke] ne vaudrait guère la peine. C’est un excentrique, qui vague à travers les domaines de la neurolo­gie, de la psychiatrie et de la psychologie, et que vous avez certainement déjà dû rencontrer un nombre inquiétant de fois au cours de vos lectures. Il a écrit dernièrement une monographie « historique » tout à fait étrange, complètement tordue, sur la crampe du mollet. Chap. premier : la crampe du mollet chez les Égyptiens. Chap. II : chez les Assyriens, κλπ.. Qu’il n’ait pas pu se retenir de mettre aussi son grain de sel dans la grande discussion autour de Freud ne paraît pas étonnant. Je ne connais pas la critique, car je ne possède pas l’Archiv de Gross (3).

Vos deux dernières lettres contiennent des allusions à ma paresse quand il s’agit d’écrire. Je vous dois, j’en conviens, quelques explications à ce sujet. L’une des causes doit être cherchée dans ma surcharge de travail, qui me permet à peine de reprendre haleine, même le soir; l’autre cependant dans des choses affectives, pour lesquelles vous avez trouvé le terme superbe de « complexe d’auto-conservation ». Vous savez que ce complexe m’a déjà joué plus d’un tour, et non des moindres dans ma Dem. praecox. Je fais (!) honnêtement (!) (4) des efforts dans ce sens, mais le mauvais esprit qui vient de se manifester dans mon écriture, à d’autres occasions encore ne me laisse pas écrire. En fait — ce que je dois vous avouer avec réticence — je vous admire sans bornes en tant qu’homme et que cher­cheur, et consciemment je ne vous jalouse pas; ce n’est donc pas de là que vient le complexe d’auto-conservation, mais il vient de ce que ma vénération pour vous a le caractère d’un engoue­ment passionné « religieux », που, quoiqu’il ne me cause aucun autre désagrément, est toutefois répugnant et ridicule pour moi à cause de son irréfutable consonance érotique. Ce senti­ment abominable provient de ce qu’étant petit garçon j’ai succombé à l’attentat homosexuel d’un homme que j’avais auparavant vénéré. A Vienne déjà les remarques des dames (« enfin seuls * », κλπ.) ont suscité mon dégoût, sans toutefois que la chose me soit devenue claire à ce moment-là.

Ce sentiment donc, dont je ne suis pas encore tout à fait débarrassé, me gêne fortement. Il se manifeste aussi en ce que j’ai pratiquement de la répugnance dans les rapports avec les collègues qui transfèrent fortement sur moi, quand cela est devenu clair psychologiquement. Je crains donc votre confiance. Je crains aussi la même réaction chez vous quand je vous parle de mes intimités. C’est pourquoi j’évite ces choses autant que possible, αυτοκίνητο, à mon sentiment du moins, elles donnent à toute fréquentation, après quelque temps, un caractère senti­mental et banal ou exhibitionniste, comme chez mon chef, dont la franchise est offensante.

Je crois vous devoir cette explication. Je ne l’ai pas dit volontiers.

Recevez les salutations les plus cordiales de votre entièrement dévoué

Νέος.


1. Il manque deux lettres de Freud après le 19 Σεπτέμβριος; il devait sans doute dans l’une d’elles commenter le cas décrit par Jung. Voir aussi le 3και paragraphe de cette lettre.

2. Paul Näcke (1851-1913), psychiatre allemand né en Russie, direc­teur d’un asile d’aliénés à Colditz en Saxe. Auteur prolixe, il passe pour avoir le premier fait usage du terme de « narcissisme ». Βλ.. Freud, Ανν. X, p. 138. Il publia dès 1901 une série d’articles sur les crampes du mollet, par ex. « Das Vorkommen von Wadenkrämpfen in orientalischen Gebieten in alter und neuer Zeit » [L’occurrence de crampes du mollet en Orient dans l’Antiquité et les temps modernes], Neurologisches Zen­tralblatt, πτήση. XXVI, 1907, p. 792 τετραγωνικά. La critique que mentionne Jung est sans doute « Über Kontrastträume und speziell sexuelle Kontrast­träume » [Sur les rêves contrastés, en particulier les rêves contrastés sexuels], Archiv für Kriminalanthropologie und Kriminalistik, πτήση. XXIV n° 1-2, Ιούνιος 1906; Näcke y critique la théorie du rêve de Freud et observe que Jung s’est trop laissé influencer par Freud. Dans le même numéro se trouvent les comptes rendus négatifs de Näcke sur les Trois essais de Freud et le « Diagnostic psychologique des états de fait » de Jung.

3. η‘Archiv fur Kriminalanlhropologie und Kriminalistik fut fondé, et édite par Hanns Gross (1847-1915), le père d’Otto Gross (sur ce dernier voir 33 J, n. 6) ; Hanns Gross était professeur de criminologie à Prague et à Graz et le fondateur de la psychologie criminologique.

4. Autographe : « redeh » (qui n’a pas de sens), biffé plusieurs fois et remplacé par » (!) redlich (!) » [honnêtement],

* Γαλλικά στο κείμενο. (N.d.T.)