* Berlin W, Rankestrasse 24
7.1.14.
Cher Professeur,
Les négociations avec les rapporteurs pour le Jahrbuch ont bien marché. Je passe chaque minute de libre à travailler sur la pulsion de voir.
Ce que vous m’avez dit concernant la genèse du masochisme m’a mis ces derniers jours sur une piste qui me semble prometteuse. Il s’agit de l’analyse de l’exhibitionnisme (comme perversion, et non pas les inclinations exhibitionnistes générales chez les névrosés). Les liens avec l’angoisse de castration me paraissent tout à fait évidents. L’exhibitionnisme, ce serait montrer la partie du corps pour laquelle on éprouve de l’angoisse, pour des motifs différents, mais qui la plupart du temps convergent :
- Compulsion avec accent d’angoisse; on se dénude avec angoisse (à cause de la menace de castration), écoutant ainsi (comme le masochiste) le désir et l’impulsion inconscients d’être châtré.
- On se montre avec défi : malgré la menace, j’ai encore mon pénis!
- Désir d’en imposer à la femme, ou de l’effrayer. Tentative d’inciter de la sorte, la femme à agir de même, l’activité sexuelle ravalée (angoisse de castration) ne permettant aucun autre procédé. (Dans la plupart des cas, il y a en même temps impuissance.) Selon mon analyse, l’origine de l’exhibition remonte en toute certitude à la mère. Tentative d’entrer en concurrence avec le père.
Il est tard, aussi je vous demande d’excuser cette présentation insuffisante.
Ma femme remercie cordialement votre fille Anna de sa lettre. Pour le reste, recevez nos salutations de famille à famille et nos meilleurs vœux pour 1914.
Comme toujours, votre
Karl Abraham.