Maintenant que quelques définitions et propriétés ont été données, il s'agit d'examiner les façons dont on peut présenter le plan projectif sur un tableau ou une feuille de papier.
Le problème est complexe. En effet le plan projectif est une surface sans bord; il en est de même pour la sphère. Mais alors que la sphère est bilatère -- un ballon peut être rouge à l'extérieur et vert à l'intérieur --, le plan projectif est unilatère (ou non orientable). Par exemple le `puits' central de la figure ici n'est pas représentable dans notre espace, chaque morceau de surface s'interpénétrant telle une blague à tabac possédant un nombre infini de plis.
Cette surface étant sans bord, elle n'a donc, par définition, pas de trou. C'est une surface continue. Mais cette surface continue ne peut pas être représentée dans un espace à trois dimensions. Il en faut quatre pour plonger un plan projectif. Ces quatre dimensions ne sont pas nécessairement toutes spatiales; j'ai montré ailleurs [Sib95] comment le temps pouvait faire office de quatrième dimension en plus des trois usuelles.
Si les quatre dimensions sont spatiales, comment représenter un plan
projectif? Ce qui n'est pas plongeable, peut être parfois immergeable.
Ici c'est le cas. Nous avons un problème similaire lorsque nous
représentons un objet à trois dimensions sur un plan. Cet objet se
projette sur le plan. Par exemple dans la figure ici, le
croisement en `X' au milieu de ce qui ressemble à un `8' n'existe que
dans la projection sur le papier. Les deux branches du `X' ne
s'interpénètrent pas, l'une est au-dessus de l'autre. C'est un effet
de la projection de
sur
. Ce croisement
est virtuel.
Que ce passe-t-il quand j'immerge un plan projectif de
dans
? Et bien il y a des phénomènes de croisements
virtuels de surfaces. Les surfaces semblent se croiser en
s'interpénétrant alors qu'elles n'ont en fait aucun point commun. Lors
de construction du plan projectif avec l'anneau de Möbius, les
élastiques ne se pénètrent pas, ils se côtoient.
Ainsi dans les présentations qui vont suivre, quand deux plans se coupent il est important de bien distinguer l'intersection réelle de deux surfaces possédant une ligne commune et l'intersection virtuelle de deux surfaces n'ayant aucun point commun. Dans ce cas elles semblent se couper mais c'est un effet de perspective. Ainsi les singularités ponctuelle de la figure ici et linéaire de la figure ici sont des intersections virtuelles sans réalité physique.