446 Järn
Budapest, den 8 Januari 1914 ETT
Kära Professor
Depuis mon opération du nez, j’allais assez bien. Här, j’ai eu une brève rechute des troubles respiratoires, qui ont disparu aujourd’hui, de sorte que je peux espérer retrouver désormais ma capacité de travail normale, même si l’on ne peut exclure l’éventualité que d’autres réparations (moins importantes) sur les cornets du nez soient nécessaires. Il est possible que je sois obligé de passer ce dimanche ou le suivant à Vienne (et ce, encore et seulement, pour des histoires de nez).
J’ai eu un bref entretien avec les membres de l’Association au sujet de
la lettre de Jung et nous avons décidé de proposer Dresde. Mais je ne veux répondre à Jung qu’après avoir reçu votre proposition à ce sujet, car nous voulons être à l’unisson de Vienne, Berlin et Londres.
Les consultations augmentent, de nouveaux patients se présentent aussi de temps en temps, ce qui n’avait plus été le cas depuis des mois.
Pour le Jahrbuch, je veux élaborer un des thèmes qui me préoccupent. Emellertid, la symbolique ne s’y prête pas – elle n’est pas encore mûre, comme vous le notez à juste titre. Dans les rapports pour le Jahrbuch, on m’a attribué la théorie générale des névroses un beau sujet, mais difficile.
La lecture de l’essai de Bergson sur le rire a été pour moi l’occasion de réfléchir sur le rire en général. Je crois avoir trouvé un complément, non négligeable, à votre point de vue sur le rire, développé dans « Le mot d’esprit » * 2.
Voici un complément du même genre à votre explication du fantasme de sauvetage (en tant que compensation pour la naissance)3 : l’enfant qui lutte avec le fantasme œdipien (agression à l’encontre du père, agression sex.[uelle] sad.[ique] à l’encontre de la mère) se sent inhibé dans ces fantasmes par des sentiments de gratitude. Pour pouvoir s’adonner de façon plus insouciante au fantasme œdipien, il voudrait éliminer du monde le sentiment d’être-obligé-à-la-gratitude en sauvant, lui aussi, la vie de ses parents pour en être « quitte » avec eux (4).
Cordiales salutations
Votre Ferenczi
ETT. Lieu et date à la fin de la lettre.
* « Witz » : à la fois mot d’esprit, trait d’esprit, blague, plaisanterie.
- « Progrès de la théorie psychanalytique des névroses (1907-1913)», (1914, 148), Psychanalyse, II, pp. 152-162.
- Voir « Rire » (Ferenczi, 300), Psykoanalys, IV, pp. 203-206. : « (Modification de la définition de Freud). L’effet du comique se compose : 1) du rire; 2) de la moquerie (qui est secondaire, un produit culturel, Bergson). »
- Le motif du sauvetage – le fantasme de sauver les parents d’un danger — a été décrit par Freud comme dérivé du « complexe parental » : « Quand l’enfant entend dire qu’il doit la vie à ses parents, que sa mère lui a donné la vie, des motions tendres s’unissent en lui à des motions qui luttent pour faire de lui un grand homme, un homme indépendant, et font naître le désir de restituer le cadeau aux parents, de leur rendre en échange un cadeau d’égale valeur », Freud (19 lOh), « Un type particulier de choix objectai chez l’homme », in La vie sexuelle, pp. 47- 55, citation : pp. 53-54.
- « Tout se passe comme si le dépit du garçon signifiait : Je n’ai besoin de rien venant de mon père, je veux lui rendre tout ce que je lui ai coûté. Il forme alors le fantasme de sauver le père d’un danger menaçant sa vie, s’acquittant ainsi envers lui », « D’un type particulier de choix objectal chez l’homme », ibid., p. 54.