29-08-1914 Abraham till Freud

* Berlin W, Rankenstraße 24

29.8.14.

Kära Professor,

Visiblement, certaines nouvelles de moi ne sont pas parvenues entre vos mains. Mais je suis content d’avoir enfin de vous des nouvelles fort détaillées; carte et lettre sont arrivées après un voyage de trois jours seulement, et j’espère qu’il en ira de même pour cette lettre.

Vous allez donc tous bien. Combien de fois n’ai-je pas pensé à ce que votre cadette pourrait bien faire en Angleterre; j’avais raison de supposer que c’est Van Emden qui servirait d’inter­médiaire.

Chez nous, tout va bien. Personnellement, je me suis proposé pour le service sanitaire, éventuellement aussi pour les affai­res extérieures et le service des transports. Il y a une semaine, j’ai failli prendre le train pour Dirschau (embouchure de la Vistule). Mais les choses ont suivi un autre cours, et je reste — au moins provisoirement — à l’hôpital militaire de l’hippodrome du Grunewald. J’ai beaucoup à faire, en chirurgie surtout; peut-être aurai-je plus tard à m’occuper spécialement de la section neuro-psychiatrique. Clientèle en ce moment très réduite. Pour une activité scientifique, je manque encore de tranquillité. Le besoin de travailler pour la collectivité et l’incer­titude des premières semaines de guerre m’ont entièrement accaparé. Mais les nouvelles ne sont-elles pas maintenant excel­lentes? Les troupes allemandes sont à peine à 100 kilomètres de Paris, la Belgique est liquidée; l’Angleterre l’est aussi sur terre. La Russie ne vaut pas mieux. Les succès autrichiens sont arrivés à point nommé, au moment où la Prusse orientale nous inspirait les plus vives inquiétudes.

Mes très cordiales salutations à Sachs, Rank et Ferenczi, de même qu’à tous les amis viennois. Je n’ai aucune nouvelle de Hitschmann. Que fait-il?

Quant à Jones, je pense que nous sommes tous sans nouvelles. N’éprouvez-vous pas aussi un sentiment étrange à l’idée qu’il fait partie de nos « ennemis »?

Je suis très impatient d’apprendre quand vous partez pour Hambourg! Le service rapide fonctionne à nouveau assez bien avec Vienne. Via Berlin, Naturligtvis; et ce sera une joie de vous voir arriver dans la ville, au lieu des Cosaques (qui, si l’on en croit les prophéties d’âmes craintives, devraient bientôt être ici). Une compensation pour Seis, même si c’est bien court! Ma femme et moi vous souhaitons à l’avance une très cordiale bienvenue.

Avec mes cordiales salutations pour vous et pour tous les vôtres,

Votre Abraham.