31-07-1914 Abraham à Freud

Brunshaupten, 31.7.14.

Cher Professeur,

Je vous réponds tout de suite. Ici, nous ne sommes au cou­rant de rien. Il est possible que nous partions aujourd’hui ou demain. Car nombreux sont les signes qui laissent présager la mobilisation pour demain ou dimanche. En cas de guerre, il est exclu que nous restions ici. On ne peut guère faire d’autres projets de voyage. Aussi nous attendrons sans doute à Berlin. En cas de guerre, d’ailleurs, je ne peux m’en éloigner, étant donné que je suis affecté au service sanitaire (1). Sans cela, je n’ai, moi non plus, aucune obligation.

Notre station est déjà à moitié dépeuplée, officiers d’activé et soldats en permission ont déjà été rappelés. Au cas où vous séjourneriez à Munich il ne serait pas impossible de se rencon­trer; mais qui sait?

On escompte toujours qu’aucune puissance ne déclenchera la guerre, mais la situation n’en a pas moins l’air grave. Les journaux ne sont autorisés à publier que la moitié de ce qu’ils savent.

Tout ce que je peux vous promettre aujourd’hui est donc de vous donner régulièrement de mes nouvelles. Votre lettre por­tant le tampon du 3o est du reste très vite arrivée. Je confie à cette lettre les meilleurs voeux que je formule pour nous tous.

J’attends vos nouveaux travaux avec autant d’impatience qu’il est possible en ce moment!

Avec mes bien cordiales salutations.

Votre Abraham.

N’avez-vous pas reçu ma dernière lettre?


(1) Par suite d’une affection pulmonaire (emphysème) dans son enfance, Abraham avait été exempté du service militaire et faisait partie de la réserve.