Göttingen,
19 novembre 1914
Cher Professeur, Quel plaisir de recevoir aujourd’hui de vous un signe de vie. Tout récemment, j’avais demandé au Dr Abraham lesquels de vos fils étaient sur le front et appris également que le Dr Ferenczi s’y trouvait.
Oui, évidemment ces « grands frères »! Tous tant qu’ils sont, ils sont devenus de véritables démons. (Mais cela provient de ce que les États ne se font pas psychanalyser !)
Tous les jours, on se lève pour faire face au même problème : concevoir l’inconcevable ; on se fraie un chemin à travers cette époque si terriblement douloureuse comme à travers un buisson d’épines. Je ne sache pas de destin personnel, de loin aucun, qui eût pu me faire saigner davantage. Et je ne crois pas non plus vraiment qu’après cela, on pourra jamais redevenir heureux.
Lorsque vous m’aviez écrit pour la dernière fois cet été, les luttes auxquelles nous songions étaient d’un autre genre. Mais n’est-ce pas, les soirées du mercredi ont lieu comme de coutume ? (Si même beaucoup manquent à l’appel.) Sans ces circonstances particulières, j’y aurais certainement pris part cet hiver.
M’enverriez-vous bien une épreuve de Pour introduire le narcissisme32 ? En inscrivant dessus un mot de souvenir ?
Avec mes meilleurs souhaits pour vous et toute votre maisonnée.
Votre Lou Andréas.