08-12-1907 Jung Freud

55 F

8 déc. 07.

Vienna, IX, Berggasse 19.

Kjære venn og kollega.

Tandis que le « complexe » fait de vous — je ne sais pas bien quoi —, vous me réjouissez par des nouvelles véritablement intéressantes, aux côtés desquelles je ne peux rien placer d’équi­valent. Le congrès à Salzbourg au printemps de 1908 me ren­drait particulièrement fier; je suppose toutefois que vous ne m’y inviteriez pas, comme gênant. Le Dr A— a fait parvenir jusqu’ici — même si ce n’est pas à moi — une description enthousiaste et très finement observée, me semble-t-il, de la manière dont vous apparaissez à l’association de Zurich. Votre Anglais m’est très sympathique du fait de sa nationalité; j’escompte que les Anglais n’abandonneront plus cette cause une fois qu’ils l’auront reconnue. J’ai moins de confiance dans les Français, mais en fait à Genève ce sont des Suisses. L’essai de Claparède sur la définition de l’hystérie (1) aboutit à un juge­ment très compréhensif sur les efforts entrepris jusque-là; l’idée du bâtiment à plusieurs étages provient de Breuer (dans la section générale des Études) (2); le bâtiment lui-même devrait cependant avoir une autre allure, et Claparède en saurait plus long sur son plan s’il avait questionné les malades au lieu des auteurs inutiles. Le travail représente pourtant un progrès; la réfutation de la « suggestion » était très nécessaire. Après votre visite il aura appris, jeg håper, à tenir compte de toutes sortes d’autres choses qu’il néglige encore bien aujourd’hui.

Dans la table des matières d’une nouvelle revue, Folia neurobiologica (3), j’ai trouvé, à ma joie, un exposé : « Jung, la théorie freudienne de l’hystérie ». J’ai ouvert à la page indiquée et j’ai trouvé en réalité — une ligne. Après cette impression traumatisante, je me suis exclu de l’abonnement au nouvel « organe central ».

J’attends pour dimanche prochain la visite d’Abraham qui vient de Berlin.

La dernière semaine s’est passée pour moi à la préparation et à la rédaction d’une conférence que j’ai ensuite faite le 6 de ce mois dans une petite salle chez l’éditeur Heller (4), devant environ quatre-vingt-dix personnes. Cela s’est déroulé sans inci­dent, ce qui est bien suffisant; pour les nombreux poètes et leurs dames ç’aura été un lourd repas. Dans l’ensemble c’était seulement un hors-d’œuvre, pour donner de l’appétit. Den Neue Rundschau s’est assuré la conférence à l’état encore fœtal, elle y sera probablement reproduite. C’était tout de même une incursion dans un domaine que nous avions jusqu’à présent à peine effleuré, sur lequel on pourrait s’établir commodément. Je remarque que j’ai omis de vous indiquer le titre de la confé­rence! Elle s’appelait donc : Le poète et la production de fan­tasmes 5, il y était davantage question de la production des fantasmes que du poète; une prochaine fois nous rétablirons l’équilibre.

Réjouissez bientôt de vos nouvelles votre cordialement dévoué

Dr Freud

5. « Der Dichter und das Phantasieren ». La revue n’était pas la Neue Rundschau, mais la Neue Beuue, fly. I, nei. 10, Mars 1908. Ed. franç. « La création littéraire et le rêve éveillé », i Essais de psychanalyse appli­quée, Paris, 1971. CF. aussi Jones, II, p. 365.


1. « Quelques mots sur la définition de l’hystérie », Archives de psycho­logie, fly. VII, 1908. Voir les « comptes rendus » de Jung.

2. Studier på hysteri, dele. III, « Theoretisches » (Observations théo­riques] de Josef Breuer.

3. Folia neurobiologica, Leipzig, fly. I, nei. 1, Oktober 1907; contient seulement une brève mention de la conférence de Jung à Amsterdam. CF. 43 J, n. 1 og 82 F, n. 3. Le nom de Jung se trouve dans la liste des colla­borateurs fixes de ce nouvel « organe central international pour l’ensemble de la biologie du système nerveux » (sous-titre). Un compte rendu véri­table de la conférence parut dans le volume II, nei. 1, Oktober 1908, p. 140.

4. Hugo Heller (1870-1923), libraire viennois et, quoique profane, l’un des premier membres de la société du mercredi. Sa librairie était un centre culturel de Vienne, et beaucoup de manifestations artistiques, littéraires et musicales prirent place dans le « salon d’art de Heller » — ainsi la première production du chœur des cosaques du Don. Heller fut aussi l’édi­teur, entre autres, par la suite, av Imago et de la Internationale Zeitsch­rift. Voir aussi 58 F, n. 1.