* Berlin W, Rankestrasse 24
26.12.14.
Cher Professeur,
Votre lettre tamponnée du 22 décembre et datée du 21 est arrivée ici dès le 24; les liaisons postales semblent donc s’améliorer. Nous sommes aussi tenus, bien sûr, de donner nos lettres pour l’Autriche encore ouvertes à la poste; si mes dernières lettres vous sont parvenues fermées, c’est qu’elles l’ont été par les autorités de contrôle. Il arrive aussi parfois que vos lettres me parviennent cachetées; elles portent au verso un cachet officiel.
Je ne perds pas de vue mon projet de voyage à Vienne, et dès que je pourrai m’arranger, je le mettrai à exécution avec grand plaisir, d’autant plus que je sais que je peux vous être personnellement de quelque utilité.
La partie scientifique de votre lettre m’a paru lumineuse, dans la stricte mesure où j’ai déjà pu l’assimiler. Mais certains points m’échappent encore. Je n’en suppose pas moins que ce que je n’ai pas encore compris me paraîtra tout aussi convaincant dès que je l’aurai compris. Je voudrais bien réserver cela au moment de notre rencontre, qui. je l’espère, ne saurait tarder.
Ce que vous me dites de Rank est très bien ; je ne sais certes pas encore ce qu’a débrouillé Rank dans le problème d’Homère, mais je suis très content pour lui et pour nous tous de sa persévérance et de ses succès. Quant à ma thèse, je ne sais pas du tout ce qu’il va en advenir. J’espère pouvoir travailler un peu, à l’occasion, pendant la guerre, sur les psychoses; mais le matériel d’observation n’a jusqu’ici guère été favorable. C’est aussi par défaut de matériel approprié que le travail que j’avais déjà commencé s’est trouvé interrompu. Je ne sais donc pas encore du tout ce qu’il en sera à la fin de la guerre, — Il semble, d’après ce que vous dites, que Ferenczi aille bien. Il y a longtemps que je n’ai plus de nouvelles d’Eitingon. Hier, j’ai reçu une carte de Jones par l’intermédiaire de Van Emden; le ton en est aussi amical qu’il est permis quand on écrit d’un pays ennemi. Rien de nouveau dans ce qu’il écrit. Je trouve Trigant Burrow touchant.
A vous, ainsi qu’à tous les vôtres, j’envoie mes bien cordiales salutations !
Votre Karl Abraham.