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22-02-1914 Jones till Freud

22 Februari 1914

69 Hamn, London

Cher professeur Freud,

Putnam est incorrigible ; c’est une femme, pas un homme.

Je n’ai pas encore reçu les moindres épreuves de la tidskrift, Heft 1, et je sup­pose que le temps manquera pour les envoyer, car nous souhaitons qu’elle sorte au plus tôt. En ce cas, auriez-vous l’obligeance de faire les ajouts qu’il vous plaira à mon compte rendu de Jung, histoire de gagner du temps (1),

Bien à vous Jones.


(1) Jones (1914 c).

21-02-1914 Freud Jones

177

Imago

21 Februari 1914 Wien

Cher Jones,

Je n’avais pas de raison particulière de vous adresser cette fameuse mise en garde au moment de ma dernière lettre. En vous livrant le fond de ma pensée, cette préoc­cupation a surgi parmi d’autres, et je vous en ai fait part. Je suis ravi de votre réponse.

Från, Loe vous a écrit, je le sais, si bien que je n’ai pas de nouvelles fraîches à vous donner, mais j’en aurai bientôt, dès qu’elle pourra se faire examiner par un uro­logue. Le jeune couple se conduit fort bien. Pour autant que je puisse le deviner, les arrangements futurs dépendent pour une bonne part de l’état du rein, sur lequel on sera fixé la semaine prochaine.

Ci-joint les coupures du British Médical Journal qui m’ont intéressé au plus haut point, ainsi que le passage de Wells, à propos duquel vous pouvez sans mal rédiger une note pour les Varia de votre revue, la tidskrift. A mon sens, deux points échap­pent à Wells : le meurtre du père et l’origine des tabous, mais comme morceau de divination scientifique, ça peut passer (1).

J’ai maintenant achevé les Beiträge historiques aux deux sens du terme(3). Ils sont assez incisifs, och, Jag hoppas, pas trop ennuyeux. Les feuillets (70 sidor !) sont mainte­nant chez Ferenczi, puis ils iront chez Abraham, et de là à l’imprimeur d’ici; vous aurez les premières épreuves à leur sortie. J’hésite à faire davantage voyager le manuscrit par terre et par mer. Il sera encore temps pour vos remarques et vos pro­positions.

Vous surestimez ce porc, Stekel, en partageant sa supposition sur Sadger. Jung n’avait tout simplement aucune autre contribution de Vienne, et il aurait accepté n’importe quelle autre. Si vous voulez mon conseil, ne faites pas attention à ses criti­ques de vos articles.

Le grand événement de ces derniers jours, c’est le Rectoralsrede [discours du rec­torat] de Jelgersma (Leyde), sur l’analyse des rêves(3), la lettre qu’il m’a adressée et sa brochure, à propos desquels, j’en suis sûr, vous avez dû en apprendre assez à l’heure qu’il est. C’est la première reconnaissance officielle par un universitaire. (14 år !)

Je suis prêt à attaquer, demain, le Narcissisme(4).

Avec toute mon affection, votre

Freud


(1) Dans H. G. Wells, Mankind in the Making, ed. rév., London, Chapman & Hall, 1914, p. 291-296, il est question du tabou considéré comme un phénomène partiellement instinctuel, et partiellement lié au développement. Mais il est difficile de dire si c’est à cela que Freud fait référence. Quoi qu’il en soit, le passage de Wells ne fut pas reproduit dans la tidskrift. I The Outline of History, 3och éd., New York, Macmillan, 1923, p. 92-105, Wells approfondit la question et cite les travaux de Freud, de Jung et de Frazer.

(2) Freud (1914d)

(3) G. Jelgersma, Unbewusstes Geistesleben : Vortrag, gehalten zum 339. Jahrestag der Leidener Universität am 9. Februar 1914, publié sous forme de supplément à la tidskrift (1914). Voir également Jones (1955 en, p. 105; 1955 b, p. 118).

(4) Freud (1914 c).

18-02-1914 Ferenczi à Freud

458 Järn

Budapest, den 18 Februari 1914

Kära Professor,

La prestation de Jelgersma et sa lettre ont été de grands événements. Je ne savais pas que Heller voulait acquérir cet article, c’est pour cette raison que j’ai tout de suite écrit à Jelgersma, sur la suggestion d’Abraham, en lui demandant de nous le transmettre pour la Zeitschrift. Cela n’empêche pas Heller de le publier aussi, en tiré-à-part. Ci-joint une lettre typiquement «zurichoise» d’Ophuijsen1 sur le même thème. Il pense que «Jelgersma s’est trop bien adapté» et veut « éliminer la jeunesse ». On le voit ; la mise en œuvre systématique d’une psychologie du Moi absolue (qui nie le rôle de la libido) conduit immanquablement à une sorte de délire de persécution. La religion chrétienne, qui redoute toujours la vengeance du père tué, pourrait être à l’origine de cette psychose, apparemment épidémique parmi les analystes suisses.

Si vous en êtes d’accord, je renverrai son compte rendu à Ophuijsen. Je le trouve partisan et malveillant. La peur d’une nouvelle concurrence peut aussi jouer. La manière sincère et claire avec laquelle J.[elgersma] parle de la sexualité, et même de l’inceste, me plaît beaucoup; j’y vois de bonnes prémices pour son évolution future.

Je m’associe très volontiers au voyage de Pâques. Bien sûr, nous emmè­nerons Annerl *. J’espère qu’elle va déjà tout à fait bien et que nous pourrons de nouveau rendre visite à notre ami italien à l’extrémité de l’île (celui qui nous a préparé ce bon café).

En Hongrie, on parle de nouveau beaucoup de nous. Les gens de presse louent ma série d’articles et cela empoisonne les concurrents. Je veux laisser le débat s’organiser (probablement au mois de mars).

Hier soir, j’ai lu votre manuscrit à Madame G. La première et la troisième partie nous ont plu énormément. Celle du milieu (la présentation, un peu trop longue, des congrès) pourrait être raccourcie. Je me suis réjoui de l’accord complet de nos points de vue concernant Adler et Jung. Je propose de petits changements dans les notes ci-jointes. La comparaison entre la réflexion totale 2 et les harmoniques culturelles (3) est belle.

Cordiales salutations de votre

Ferenczi et de Madame G.

20/II.

P.-S. Pour ne pas retarder l’expédition de la lettre, j’enverrai après coup les notes que je dois encore mettre au net.

Här, j’ai eu un entretien avec le criminologue, Dr. Rustem Vâmbéry (fils de l’orientaliste décédé). Il m’a demandé d’écrire un article pour son journal sur les possibilités d’application criminalo-psychologiques de la psy­chanalyse 4.

(4) L’article de Ferenczi (1914, 148en) «La psychanalyse du crime», Psykoanalys, II pp 163- 164, parut dans Szabad Gondolat, n ° 1, 1914


*Diminutif d’Anna.

  1. Non retrouvée.
  2. « Et pourtant, l’expérience quotidienne des malades nous a montré la possibilité de la perte totale de la connaissance analytique, sous l’influence d’une résistance un peu forte émanant d’une couche plus profonde », « Contribution à l’histoire du mouvement psychana­lytique » (Freud, 1914d), Cinq leçons sur la psychanalyse, pp. 69-149, citation p. 125.
  3. Sur Jung : « En réalité, on n’a perçu de la symphonie du devenir universel, que la partie chantée par les civilisations, mais on est resté sourd à la mélodie des instincts, malgré son intensité primitive », « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique », ibid.., p. 144.
  4. Rustem Vâmbéry (1872-1948). Juriste, de tendance radicale. Membre (1918) du Conseil d’État sous Mihâly Karolyi. På 1938, émigra à Londres, puis aux États-Unis, où il fut ambassadeur de Hongrie de 1947 till 1948. Il était le fils de l’orientaliste Ârmin Vâmbéry (Hermann Vamberger) (1832-1913).

17-02-1914 Eitingon à Freud

47 Den

[En-tête III Berlin], den 17 Februari [1914]

Kära Professor,

En vous envoyant la transcription de mon propos lors de notre discussion berlinoise sur les mystères de l’aide à la résurrection zurichoise1, je voudrais vous laisser le soin de déterminer s’il serait justifié d’ajouter aux critiques de Ferenczi, Abraham, Rank et Sachs ma propre contribution (par exemple dans la Zeitschrift)2.

A une exception indécise près3, notre groupe local est totalement una­nime pour refuser Jung.

Avec les salutations les plus chaleureuses de votre totalement dévoué

M. Eitingon

1. Den 11 Februari, Abraham écrivit à Freud (F/A, p. 160) : « Il y a quelques semaines », c’est-à-dire le 17 Januari, « nous avons eu une réunion de notre groupe, avec quatre exposés sur l’affaire Jung » (voir Corr.). Eitingon y participa avec une contribution « Sur l’inconscient chez Jung et son tournant vers l’éthique » (1914en). Un point de sa cri­tique visait les tentatives menées par le groupe zurichois pour transformer le « complexe d’Œdipe païen en symbolique chrétienne de la résurrection » (p. 103).

2. Le premier numéro de la 2och année (1914) de parution de la Zeitschrift était un numéro anti-zurichois, avec des textes critiques de Ferenczi, Abraham, Jones, etc.. (p. 62- 87 ; voir par ailleurs Ferenczi 1913). La contribution d’Eitingon (1914en) fut elle aussi accep­tée. Lorsque Ferenczi lut le texte sur les épreuves, il écrivit à Freud (F/Fer 1/2, p. 290) : « La polémique étonnamment vive contre le sabotage du concept d’inconscient a été pour moi une surprise. » Rank et Sachs voulaient en outre publier dans le Jahrbuch un article polémique intitulé « Qu’est-ce que la psychanalyse? » qui fut ensuite retiré. Voir Schröter (1995en, notamment p. 526 et note 22).

3. Wolf Stockmayer (cf. par ex. Abr. à Freud, 11 Februari; Rundbr. II, p. 93-94).

15-02-1914 Freud à Ferenczi

456 F

Prof.. Dr. Freud

den 15 Februari 1914 Wien, IX. Berggasse 19

Cher Ami,

Aujourd’hui, deux nouvelles. Commençons par la moins importante. J’ai terminé « l’Histoire du mouvement ψα » et je suis prêt à vous l’envoyer dès que vous en exprimerez le souhait. Vous aurez alors la bonté d’expédier le paquet à Abraham, en toute sécurité, car je ne peux pas la réécrire — et de m’envoyer séparément vos critiques, réticences et propositions sur la forme et sur le fond, afin que je puisse les utiliser pour la correction. C’était un travail pénible, vous en connaissez la première partie.

Deuxièmement : Envoi soudain d’un article de Jelgersma son discours rectoral pour le 339och Verjaardag * de la très célèbre université de Leyde, qui s’appelle ontgeweten (Ics) Geestesleven **. J’essaie de le comprendre, je vois qu’il parle de l’Interprétation des Rêves — et qu’il est bienveillant. Le lendemain, un journal de Renterghem 2, avec un long extrait de cet article; et puis une lettre d’Abraham qui confirme que J.[elgersma] s’est déclaré, sans la moindre réticence, pour nous et la ψα, et qu’il rêve de faire des traductions, etc.. Enfin une lettre de l’auteur lui-même que je joins (pour le moins de temps possible) et qui confirme réellement le miracle. Pensez donc, psychiatre officiel, discours rectoral, ψα de la tête aux pieds! Quelles surprises nous attendent encore!

Heller veut lui écrire et lui faire publier une édition allemande des Pet[its] Écrits. Le vendredi 20 de ce mois aura lieu, chez moi, une soirée-Moïse officielle (3), au cours de laquelle devra se décider le sort de cette entreprise risquée (Heller, Placering, Sachs et l’artiste qui m’a fourni de très bons dessins). Dommage que vous soyez à Budapest.

A l’instant me parvient votre télégramme avec la demande du manuscrit. Je le ferai donc envoyer demain. La lettre de Jelgersma, je la lirai mercredi à l’Association. Le travail sur le déjà vu ***, que vous avez demandé, n’est qu’une petite broutille. Avez-vous envie d’entreprendre quelque chose cette année pour Pâques (12 April)? Peut-être retourner à Arbe, qu doit être très beau à une saison plus avancée? Si tout se passe bien à Hambourg, mi-mars4 dernier délai, j’y suis tout prêt. Voudriez-vous qu’on emmène la petite 5? Elle est amusante, vous la connaissez d’ailleurs depuis le Pordoijoch. En ce moment-même, elle est un peu fébrile depuis des semaines, sans raison apparente, ne se sent pas bien et me donne des soucis 6. Cordiales salutations

din Freud

* En néerlandais dans le texte : anniversaire.

** En néerlandais dans le texte : vie psychique inconsciente, dans une terminologie encore provisoire.

*** I franska i texten.

  1. Gerbrandus Jelgersma (1859-1942). Professeur titulaire de psychiatrie (1899-1930) à l’université de Leyde aux Pays-Bas — la clinique de cette ville porte aujourd’hui son nom —, avait tenu, den 9 Februari 1914, pour le 339och anniversaire de la fondation de l’université, un discours rectoral sur le thème « La vie psychique inconsciente» (ce texte est paru en 1914, comme premier supplément de la Zeitschrift). På 1920, Jelgersma fonda l’Association pour la psychanalyse et la psychopathologie de Leyde, qui entretint de bonnes relations avec l’Asso­ciation psychanalytique néerlandaise.
  2. Albert Willem van Renterghem (1845-1939). Neurologue et psychiatre, un des premiers partisans de Freud aux Pays-Bas. Directeur de l’Institut de psychothérapie d’Amsterdam. Freud mentionne Jelgersma et Renterghem dans « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique » (1914d, p. 104, et note 1).
  3. Freud voulait entendre le point de vue d’un artiste sur son interprétation (Jones, II, p. 389). Se 459 F.
  4. La naissance imminente de Ernst Wolfgang (11 Mars 1914), fils de Sophie et Max Halberstadt et premier petit-fils de Freud (utsikt 463 F et note 1).
  5. Anna.
  6. Peu avant le début du voyage à Brioni (9-13 April 1914), il s’avéra qu’Anna avait la coqueluche. A sa place, c’est Rank qui participa au voyage (utsikt 468 F).

15-02-1914 Ferenczi à Freud

455 Järn ETT

Budapest, den 15 Februari [1914] B

Prière envoyer manuscrit Salutations Ferenczi

ETT. Telegram.

B. Dans la transcription Balint, ce télégramme était classé dans l’année 1918; Dock, d’après le contenu, il devrait plutôt être rangé à cet endroit. 1910 – année d’émission des formulaires de télégrammeconfirme cette supposition (à partir de la mi-1914, les formulaires utilisés ont été modifiés),

1, Le manuscrit « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique » (Freud, 1914(d), in Cinq leçons sur la psychanalyse.

15-02-1914 Jones till Freud

15 Februari 1914

69 Hamn, London

Cher professeur Freud,

Vous avez dû recevoir ma longue lettre, avec les pièces jointes, juste après avoir expédié la vôtre. Vous êtes excessivement bon de m’écrire si constamment, mais je ne voudrais pas abuser de votre temps ni vous accabler ainsi de charges indues, et je voudrais que vous vous sentiez aussi libre qu’il vous plaira à cet égard. D’autant que c’est nécessaire en période de concentration sur un travail important, et je suis heu­reux d’apprendre que vous attachez tant d’intérêt à l’article du Årsbok, qui sera his­torique et qui fera date, et que vous entrez à ce point dans le détail1.

Je suis navré d’apprendre qu’on a de nouveau trouvé du pus dans les urines de Loe, comme au bon vieux temps. On a toujours pensé à une pyélite du côté gauche, mais la dernière opération n’a rien montré de visible à l’œil nu dans le bassinet du rein (qui a été examiné à fond), et nous espérions donc que c’était bénin, en tout cas que ça n’expliquait qu’une infime part de la douleur. Je me demande si elle fera un saut de Paris à Londres ? Herbert va-t-il consulter l’avocat à propos de la fiction de mariage2, ou tout ceci est-il balayé comme une absurdité? J’aimerais connaître ses projets de mariage, etc., lorsqu’ils seront définitivement arrêtés, ce qui, j’imagine, n’est pas encore le cas.

J’aimerais bien savoir la raison pour laquelle vous me donnez ce conseil personnel au sujet des femmes à ce moment précis ? Je ne dirai pas que c’était inutile, car je vois bien les dangers de mon assurance excessive en la matière, mais, sincèrement, je crois être devenu un homme très différent au cours des deux dernières années — tout au moins pour ce qui est de la question pratique de la maîtrise et de la connaissance de soi. Je reste en contact avec Ferenczi à propos de mon analyse, et j’ai été en mesure de lui apporter de bonnes nouvelles à chaque fois.

Nous avons eu une réunion jeudi, où Bryan a présenté le cas sur lequel il vous avait envoyé quelques notes ; ça a provoqué une bonne discussion. Forsyth et lui sont des hommes prometteurs. Hart était également présent, mais n’a guère participé. Constance Long était là, de retour de ses cinq semaines d’«analyse» avec Jung; elle dit y avoir pris beaucoup de plaisir (Prendre du plaisir à une véritable analyse, c’est un comble !). Le cas, vous vous en souvenez, était celui d’un homme à qui tout réussis­sait, mais qui avait une fixation sexuelle sur des fantasmes masochistes qui ne lui lais­sait aucun désir d’avoir des relations avec des femmes. Nous avons appris que la véri­table explication était qu’il se dérobait à sa « tâche» — avoir une maison à lui au lieu de pantoufler, et qu’il le dissimulait en feignant l’impuissance, qui était purement symbolique et qui n’avait qu’un sens secondaire ! ! Elle s’est montrée sotte de bout en bout et a si bien répété Jung comme un perroquet qu’elle peut faire du bien en le dis­créditant aux yeux d’indécis comme Eder et Hart.

Sachs a été très excité par un passage de H. G. Wells, que je vous joins, et qui contiendrait l’essentiel de votre théorie du tabou. Je sais que Wells y est arrivé voici trois ans, en rassemblant les écrits de Darwin, Frazer, Robertson Smith, et d’autres, mais il ne mesure pas la portée de sa découverte accidentelle. Ce n’est jamais qu’une preuve supplémentaire de l’inévitabilité de votre théorie.

Den British Medical Journal de cette semaine ne contenait plus de lettres sur la ψα, mais un compte rendu de la nouvelle recension de Jelliffe, dans lequel ils saluent la conversion de Jung comme un « retour à une vision plus saine de la vie3 ». Nos adversaires portent sur sa rechute un diagnostic plus juste que lui-même et ses parti­sans. Au passage, avez-vous lu la remarque pénétrante de Stekel dans le Zentralblatt [d’octobre4] de décembre? «Es ist eine ebenso feine wie boshafte Rache, die Jung an der [Wiener] Schule nimmt, dass er Sadger als einzigen Vertreter derbahn[i]bre­chenden Wiener Schuleim Jahrbuch paradieren lässt (5). » Mais il est trop poli lors­qu’il ajoute «Es gehört dies in das Kapitel derunbewussten Bosheiten6.» J’ai été très contrarié par le compte rendu que Stekel a fait de quelques-uns de mes articles7. Il a modifié chacune des citations, au point de les rendre absurdes ou outrancières ; ainsi «une cause possible» devient-elle «la cause principale», etc.. Dans un compte rendu, il cite intégralement un paragraphe de dix lignes, censément extrait de mon article, mais que je n’ai jamais écrit ni vu nulle part. J’ai pensé lui adresser une lettre ouverte de protestation, mais j’ai renoncé au projet (il m’en a beaucoup coûté), pen­sant qu’il vaut mieux ignorer la question. J’imagine que ce serait aussi votre attitude ?

Côté travail, la situation est excellente. L’un de mes patients est parti, son cas ne s’y prêtait pas, une autre parce qu’elle avait terminé, mais j’ai encore six heures par jour, avec du matériel excessivement intéressant. Je me sens bien plus assuré et capable de travailler que jamais auparavant, et je crois y réussir. Un cas de folie maniaco-dépressive typique projette davantage de lumière sur cet état. Tout se passe, à mes yeux, comme s’il n’y avait pas de maladie de ce type, certains cas relevant de la psychonévrose, d’autres de la paraphrénie (en particulier, de la paranoïa), la préémi­nence des symptômes affectifs remplaçant les autres mécanismes de distorsion (comme cela arrive parfois dans les rêves). Mais j’y reviendrai plus longuement une autre fois.

Amitiés sincères

Bien fidèlement à vous

Jones.

  1. Freud (1914 d).
  2. Herbert Jones s’inquiétait peut-être de la nature des liens entre Loe Kann et Jones aux yeux de la common law britannique.
  3. British Medical Journal, 1, 1914, p. 375.
  4. Rayé dans l’original.
  5. «La vengeance de Jung sur l’école est aussi élégante que malicieuse, lorsque, i den Årsbok. il présente Sadger comme le seul représentant del’école pionnière de Vienne”. »
  6. « Ceci relève du chapitre de lamalice in-consciente”. » Le un d’unbewussten est souligné de deux traits. Les citations ne sont pas tirées de la livraison de décembre 1913, mais du numéro suivant : utsikt Zentralblatt, 4, 1914, p. 179.
  7. Stekel, comptes rendus de Jones (1912-1913, 1913 1913 î), Zentralblatt, 4, 1914, p. 176-177, 180-181,181-182.

15-02-1914 Freud till Abraham

* Wien, IX, Berggasse 19

15.2.14.

Kära vän,

Il semble bien que l’affaire Jelgersma soit une grande chose. J’avais déjà reçu, par Renterghem, avant votre lettre, ses brochures et l’exemplaire du journal. J’ai reçu le jour suivant une lettre de lui, qui confirme tout ce que vous indiquiez, et qui est vraiment très sympathique. Voici donc un psychiatre officiel qui avale la psychanalyse toute crue! Que ne voit-on pas!

Je vous enverrai sa lettre dès que Ferenczi me l’aura ren­voyée et qu’elle aura été lue mercredi. Heller a l’intention de lui écrire et de pousser à une édition allemande. Le texte ne convien­drait pas du tout pour la Zeitschrift, étant donné qu’il ne va pas, je crois, d’un pouce au-delà de lInterprétation des Rêves. Je viens de finir, il y a une heure, le manuscrit des « Contri­butions à l’histoire du Mouvement Psychanalytique ». Elles sont en route pour Budapest et elles vous parviendront depuis là-bas, comme première contribution pour le Jahrbuch venant de moi. Le travail fut difficile. Je n’ai rien d’autre à vous en dire que les mots bien connus : Coraggio Casimiro! Si vous voulez bien me transmettre vos remarques et vos corrections, je vous promets de vous en être très reconnaissant. Ferenczi fera de même.

Nos projets pour cet été sont au point zéro. Nous ne sommes plus une famille, plus que trois vieilles personnes. Même ma jeune enfant veut partir cette année toute seule en Angleterre, votre femme s’en souvient certainement. Nous ne savons pas encore quelle révolution le nouvel arrivant qui est attendu à Hambourg apportera 1.

Avec mes salutations cordiales à vous et aux vôtres, Din troende

Freud.

1. La fille de Freud, Sophie, attendait un enfant.

11-02-1914 Abraham till Freud

* Berlin W, Rankenstraße 24 11.2.14.

Kära Professor,

Tout semble bien aller pour le Jahrbuch; j’espère que les rédacteurs livreront rapidement leurs travaux. Le rapport de Sadger est déjà parvenu. J’en suis moi-même encore à la « pulsion de voir », j’espère avoir terminé dans une ou deux semaines; je me mettrai alors à mon compte rendu.

Nous avons eu, il y a quelques semaines, une réunion très satisfaisante de notre groupe, qui comportait 4 rapports sur l’affaire Jung. Il règne l’accord le plus complet.

Aujourd’hui, en cette époque sombre, un vrai rayon de lumière. Rentergheml m’envoie un journal qui fait un compte rendu détaillé du discours rectoral de Jelgersma, psychiatre de Leyde, qui portait sur l’inconscient 2. Comme vous n’êtes peut- être pas au courant, je vais vous en parler brièvement : J.

(N.B. : le plus en vue des psychiatres hollandais) accepte dans leur entier la théorie du rêve et la théorie des névroses, qu’il considère comme de grandes acquisitions, il prend également à fond le parti de la sexualité, et parle pour finir de la forte impression qu’a faite sur lui la redécouverte du complexe d’Œdipe. Un exposé très approfondi, en somme, et une appro­bation sans restrictions ni clauses. Je viens d’envoyer à Ferenczi un court extrait du compte rendu de Hollande, et je lui ai proposé de demander à Jelgersma d’autoriser la traduction de son discours pour la Zeitschrift.

Il me reste à vous saluer cordialement à la hâte, de famile à famille.

Votre Abraham.

1. Dr ETT. Den. Van Renterghem, neurologue et psychiatre à Amsterdam,

2. G. Jelgersma, professeur de psychiatrie à l’Université de Leyde, auteur de Unbewusstes Geistesleben [La vie psychique inconsciente], 1914.

11-02-1914 Freud à Ferenczi

454 F

Prof.. Dr. Freud

Wien, IX. Berggasse 19

den 11 Februari 1914

Cher Ami,

Här, j’avais un dîner de rédaction et j’ai appris par Rank que vous aviez déjà rédigé la critique de la dernière manifestation de Jung. Votre causticité m’a fait très plaisir. Notre numéro de critique sera ainsi très riche de contenu, malheureusement, l’impression n’a toujours pas commencé.

Je ne peux qu’approuver, pour vous et pour la Hongrie, votre projet de discussion publique. Votre tempérament et votre esprit de repartie garan­tissent parfaitement son issue. L’intérêt du public pour la psycha décline sans doute aussi en Russie, Pologne, etc., où elle ne s’était pas convenablement

implantée pendant la première période d’invasion. Ce n’est pas comme en Allemagne et en Amérique.

Je serais très heureux si vous pouviez amener votre ami à faire un essai pour les deux dessins du Moïse. Ceux de Mlle Wolf (1) sont insatisfaisants. Le graveur Max Pollak, qui a « gravé au burin » mon portrait pour Heller (2), a maintenant promis de fournir aussi ces dessins. Mais cela ne doit pas vous retenir. Mes hésitations ne sont pas surmontées et j’empêcherai certaine­ment la publication si le dessinateur ne peut la soutenir efficacement, Det är det- à-dire, en premier lieu, me convaincre.

J’écris, avec une grande ardeur, « l’Histoire du mouvement psycha ».J’espère avoir assez bien travaillé le Jung dimanche, et ainsi clos le chapitre. Dois- je vous envoyer le manuscrit d’abord? Il faudrait alors me le retourner avec vos remarques, pour qu’il puisse aller, via les Viennois, par Hitschmann, chez Abraham.

Santé et consultations vont bien en ce moment. A la maison, presque tout est à peu près en ordre. A la fin du mois, quand les travaux seront en route, vous devriez de nouveau nous rendre visite ici. Loe est beaucoup plus sage, au demeurant, elle a une pyélite gauche (3) confirmée, et sa part de véritable souffrance; un cas mixte, c’est toujours désagréable. La pré­sence de son nouveau Jones (4), qu’elle doit épouser en mai, lui fait du bien.

Cordiales salutations, à Madame G. aussi,

de votre Freud


(1) Non identifiée.

(2) Max Pollak (1886-?), célèbre peintre, et surtout dessinateur, viennois. La gravure à l’eau- forte qu’il fit de Freud (reproduite dans Sigmund Freud, lieux, visages, objets, ed. dirigée par Ernst Freud, Lucie Freud et lise Grubrich-Simitis, 1979, p. 202) fut décrite par Karl Kraus de la façon suivante : « Max Pollak a portraituré le chercheur, assis devant son bureau, dans son cabinet de travail. Le premier plan est étrangement peuplé par les figurines antiques et archaïques disposées sur son bureau. Devant le clair-obscur du cabinet de travail se détache nettement la tête profondément spirituelle du savant, avec ce regard pensif, dans une certaine mesure tourné vers l’intérieur, qui caractérise le travail intellectuel créatif concentré », Die Fackel, 28 Iii 1914, n°395. p, 57.

(3) Inflammation du bassinet rénal gauche.

(4) Loe Kann qui, depuis novembre de l’année précédente, était de nouveau en analyse chez Freud (Brome, Jones, p. 104), et Herbert Jones (utsikt 392 F, notera 1) étaient invités à la séance du mercredi du 22 IV 1914 (Minutes, IV, p. 292) à laquelle Freud n’assistait pas, pour cause de maladie (utsikt 470 F). Freud se rendit à Budapest, début juin, pour leur mariage (utsikt 476 F).